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Focus

Ordi Mon Ami : un atelier mobile d'informatique pour les sans-abris

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Pour les personnes fragilisées, la fracture numérique est sans pitié. En lutte contre ce fléau, Daniel Ciancio sillonne les lieux d'accueil bruxellois partenaires du centre de jour Hobo.

Sommaire

Un atelier très mobile

À l’issue de ce mois de juillet, à raison de 3 journées par semaine, Daniel aura emporté son atelier « Ordi Mon Ami » dans quatre centres d’accueil bruxellois pour sans-abris. En commençant par Jamais sans toit, il se sera arrêté à RestoJet puis à Consigne Article 23 avant de clore son parcours, de manière provisoire à DoucheFlux et à L'Ilot « Le Clos », Parvis de Saint-Gilles. Par groupes de huit, chiffre qui rend compte du nombre de tablettes dont Daniel dispose, les bénéficiaires, des hommes et des femmes de tous âges n’ayant sans doute en commun que l’extrême dureté de leurs conditions de vie, tentent de récolter des rudiments de savoir informatique comme d’autres chargeraient leurs poches de cailloux blancs pour s’assurer de la possibilité d’une voie hors de la misère.

Pour de nombreux participants, c'est l’occasion de créer leur première adresse email, surfer sur Internet seul et utiliser les fonctions de base d'un ordinateur sans l'aide d'une tierce personne, ce qui, au niveau de notre public cible, est souvent perçu comme une véritable gageure. — Daniel Ciancio

Fracture numérique

Loin d’être facile à combler, la fracture numérique aggrave l’état de déficience amené par un enchaînement de ruptures touchant aux fondements de l’inscription communautaire : problèmes de santé, perte d’un emploi, divorce… Renseignements et services administratifs, petites annonces, avis de payement : rares sont les opérations de la vie courante qui désormais ne transitent pas par un service en ligne. Si le fait de ne pas posséder un ordinateur s’impose avec force comme une tare sociale, les appréhensions que suscitent ces technologies chez ceux qui n’y ont pas accès renforcent l’isolement dans lequel ils se tiennent. S’il n’était qu’une chose, ce serait à cet état de légitime méfiance que l’atelier Ordi Mon Ami compterait remédier.

Hobo

Hobo, la structure qui emploie Daniel, compte parmi les centres de jour pour personnes sans-abri et sans logement dans la Région Bruxelles Capitale. Son activité se répartit autour de trois axes : l’accompagnement vers l’emploi, les divertissements et les apprentissages. Le mode de fonctionnement de cette asbl inclut un partenariat avec une cinquantaine d’organisations grâce auxquelles Hobo rencontre un public concerné. Il revient par conséquent aux maisons d’accueil d’annoncer l’événement puis de récolter les inscriptions. D’une mission à l’autre il peut apparaître que le rôle de ces ateliers excède de loin leur objectif initial :

« Beaucoup viennent aussi, comme ils disent, pour « ne pas traîner dans la rue » où « on t'ennuie tout le temps », rencontrer de nouvelles personnes et être occupé avec une activité qui te permet de progresser en oubliant la dureté du quotidien le temps du cours d'informatique. — »

Recevoir la carte

Geste essentiel autant que nécessaire, les ateliers mobiles proposent à ceux qui les fréquentent d’emporter leur propre carte de membre. Celle-ci donne accès aux activités de Hobo qui ont lieu au 24 de la rue du Boulet. En effet, pour en revenir à la question numérique, s’il s’agit de pallier les lacunes en cette matière, trois journées peuvent sembler d’une durée bien trop limitée. Qu’à cela ne tienne, à Hobo même se tiennent tous les mardis matin un atelier informatique en plus des demi-journées par semaine consacrées à l’EPN [Espace Public Numérique], ce qui assure aussi bien un suivi régulier, la possibilité de progresser dans les apprentissages, que celle de bénéficier des autres ressources développées par le centre.

« Parmi les personnes que j'ai rencontrées lors des ateliers, il y a des personnes en attente de régularisation, des sans-abris qui dorment sur le banc du parc d'en face, des sans-chez soi, des personnes sans papiers, un Européen du Sud qui a cumulé les problèmes et dont la vie a basculé au pays, il est venu chercher de l'aide en Europe du Nord. Il y a aussi des Maghrébins et des personnes d'Afrique centrale. Âgées de 20 à 60 ans, particulièrement débrouillardes, éprouvées par la vie, elles viennent apprendre, grâce à ces ateliers, comment rester en contact avec la famille restée au pays et les amis, lire sur Internet le journal ou écouter la radio de là-bas, chercher du travail, s'informer sur les opportunités d'aide aux sans-abris : hébergement, logement, repas, épiceries sociales, soins de santé, activité culturelles et sportives, apprentissages, etc. Un moment est aussi consacré à l'exploitation du site Surviving in Brussels. — »

Confiance

À l’occasion, Daniel rencontre un public de réfugiés. Pour eux, la dynamique est très différente. Moralement et physiquement, les forces ne leur font pas défaut, aiguisées qu’elles sont par l’exploit accompli de la traversée. Ils sont jeunes, vifs et ultra-motivés, prêts à s’élancer dans une nouvelle vie.

Peu de théorie, beaucoup de pratique, telle est la méthode prônée tout au long des séances d’Ordi Mon Ami. Il s’agit de se montrer attentif aux besoins et aux attentes. À cet égard, le premier jour et les premiers instants de la rencontre sont primordiaux dans l’établissement de ce lien de confiance, dont le manque met en échec toute tentative de transmission.

Équité / égalité

Très tôt Daniel a saisi ce qu’un ordinateur peut receler comme opportunités pour ceux qui n’ont pas grand-chose. Le plaisir vint en premier : jeune homme, il se prit au jeu de monter des machines à partir d’éléments de récupération, une sorte de défi personnel que le PC offrait à ses premières heures. Les compétences acquises durant cette période lui permirent de s’improviser professeur en cours particulier pendant le temps de ses études en sciences économiques à Liège. Déjà, le moteur financier, nécessairement présent, cédait devant le goût de la transmission, le simple bonheur d’aller vers les autres et de partager ses connaissances pour en acquérir de nouvelles. Ultérieurement, au travers de ses divers emplois dans le secteur de l’enseignement et de l’insertion professionnelle, il ne s’est jamais départi de ce qui, en se généralisant, est devenu une ligne de conduite, un axiome de vie.

« Lors de mes nombreux voyages en Europe, j’ai pris graduellement conscience de la nécessité de combler le « fossé numérique » des personnes les plus fragiles, fragilisées, ou en voie de fragilisation. La crise économique de 2008 et la guerre en Syrie m’ont finalement décidé à mettre mes compétences au service des « oubliés » du système, et ce, sur le terrain, exactement là où ils se regroupent pour vivre, je devrais même dire survivre. — »
« Pour moi, le lien de corrélation entre distance par rapport au TIC et pauvreté est de plus en plus évident. Et franchement, de plus en plus cruel. De par mes origines modestes, j’ai très tôt été sensible à l’équité, plutôt qu’à l’égalité. C’est-à-dire donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Mais des gens comme moi, venus de tous les milieux, il y en a dans tous les centres. C’est de ce côté-là qu’il faut regarder. — »


Bio de Daniel Ciancio

Après des études en sciences économiques à l’Université de Liège, Daniel a suivi une formation professionnelle et ISP. Pendant 7 ans, il a travaillé comme formateur pour adultes en informatique dans le secteur public, le secteur privé et auprès de demandeurs d’emploi.

Ensuite, pendant 7 ans, il a œuvré comme coordinateur d’une asbl de coopération université-entreprise en Fédération Wallonie-Bruxelles (ex CfB). Gestion pour les universités et hautes-écoles de CfB, de stages (+ de 600) Leonardo da Vinci, désormais englobé dans le programme Erasmus+.

Actuellement il travaille comme responsable de projets au renforcement des compétence digitales à HOBO asbl.


Liens vers les associations citées :

Bruxelles compte 4175 sans-abris pour 1,199 millions d’habitants (chiffre communiqué en novembre 2018 par la Strada, le centre d'appui au secteur bruxellois d'aide aux sans-abris. À Liège, la proportion est de 450 sans-abris pour 200 000 habitants (source : CPAS)

Ordi Mon Ami est soutenu par la Région Bruxelles-Capitale à travers l'initiative SmartCity Brussels.

Hobo

Jamais Sans Toit

RestoJet

Consigne Article 23

DoucheFlux

L'Ilot Le Clos


Crédits photo : Espace Social Télé-Service

Texte et mise en page : Catherine De Poortere

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