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Focus

Myriam Van Imschoot & HYOID (BE) : newpolyphonies

Myriam van Imschoot - Beata-Szparagowska
Le Kaaitheater présentait ce samedi 3 et ce dimanche 4 juillet une nouvelle version de la pièce newpolyphonies de Myriam Van Imschoot. Une performance pour 19 vocalistes et une installation de diffusion sonore inspirée à la fois des insectes et du cri de la foule.

L’artiste bruxelloise Myriam Van Imschoot travaille depuis de nombreuses années sur le monde sonore. Parmi ses objets de fascination se trouvent les modes de communication à longue distance, les cris, le yodel, les signes de la main, les chants d’oiseaux. Elle décline ses explorations sonores à travers des installations, des vidéos, des ateliers et des performances, seule ou dans divers ensembles qu’elle a mis sur pied. Cette nouvelle création s’inspire de la relation entre l’individu et le groupe, et de la manière dont chaque intervention individuelle peut s’additionner à l’ensemble, l’influencer, le soutenir ou le contredire.

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Myriam Van Imschoot a trouvé deux modèles de ce type d’interaction : les insectes et la foule. Les premiers peuvent atteindre, seuls ou en groupe, des volumes sonores très importants dans des registres particuliers, produits non pas par la voix ou le souffle mais par différentes techniques de stridulation. On peut entendre la foule humaine dans quelques circonstances bien précises. Elle est toujours la somme de plusieurs voix, mais pour dépasser le simple brouhaha non organisé, il faut qu’un catalyseur, un but commun, concentre les expressions isolées en un ensemble, une harmonie, un chœur à l’unisson. Myriam Van Imschoot a trouvé ces conditions réunies dans les récentes manifestations qui ont défilé dans la ville, soit lors des marches pour le climat, soit contre les mesures d’austérité imposées au secteur artistique ou à la société en général.

Sur la base de ces deux points de départ, l’artiste a développé un répertoire élargi d’expression sonore qu’elle a proposé à ses interprètes. Ceux-ci utilisent tour à tour des techniques inspirées des insectes, avec lesquelles ils reproduisent les frottements, les battements, les oscillations que produisent les grillons, les sauterelles, les criquets, etc. avec leurs élytres, et des variations sur les multiples modes de vocalisation humaine. On y retrouve le chant, bien sûr, depuis la plainte, la lamentation, jusqu’à l’emphase de l’opéra. On y trouve également des formes collectives, du murmure aux harmonies chorales. Ici encore l’individu est confronté au groupe et choisit de s’y intégrer ou d’en dévier.

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Pour ce spectacle, Myriam Van Imschoot a rassemblé une troupe constituée de quatre musiciens confirmés, les quatre chanteurs du groupe bruxellois Hyoid, spécialisés dans le répertoire classique contemporain, et une quinzaine de volontaires ayant ou non une expérience du chant et de la scène. Chaque nouvelle création de la pièce, au Kaaitheather de Bruxelles, au Singel à Anvers, est donc différente, selon les participants. Cette formule répond au désir de Myriam Van Imschoot de produire des œuvres in situ, inscrites dans leur environnement, jouant à la fois avec l’espace physique et la réalité sociale et culturelle de l’endroit, et de développer des pratiques possédant un certain potentiel démocratique. Après un entrainement éclair de trois jours, chaque vocaliste développe un registre propre, une place dans le collectif.

Le chœur est quasiment dédoublé sur scène par l’intervention d’une vingtaine de petits haut-parleurs qui parfois s’additionnent au chant, quelquefois dialoguent avec lui, ou prennent momentanément sa place. Le dispositif, développé par Myriam Van Imschoot avec Fabrice Moinet, est un élément à la fois musical et scénographique, qui apparait et disparait, joue avec les chanteurs, et dispose d’une étrange présence théâtrale. Il complémente une mise en scène à la fois minimaliste et très étudiée où le placement des corps et celui des voix est également important.

Myriam van Imschoot - Beata-Szparagowska 4

Avec cette pièce, Myriam Van Imschoot ajoute une entrée de plus dans le catalogue déjà impressionnant de ses créations sonores. Elle fait suite à la performance YouYouYou présentée en avril au KANAL-Centre Pompidou avec le Brussels YouYou Group (x), reprenant et développant une œuvre entamée en 2015 utilisant la tradition des youyous (zagharit en arabe), les trilles suraiguës qui sont utilisées à travers l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Ouest pour manifester collectivement la joie, l’émotion. Cette pièce, créée à la même période que What Nature Says (2015), une performance vocale pour six performers qui, se servant uniquement de leur voix et de leur corps, imitent leur « environnement naturel », marquait l’intérêt de l’artiste pour les expressions collectives et les performances en groupe étendu.

Alors que ses premières créations exploraient la voix en solo, ou en duo, revisitant le yodel, étudiant le chant des oiseaux, l’accent est mis ici sur les différentes implications de la notion de polyphonie. Elle passe par une remise en question de la virtuosité et de l’excellence, par le concours de performers non-professionnels, en passant par l’interrogation sur la relation entre chaque part avec le tout. Plutôt que de souligner le possible conflit entre chaque atome à l’intérieur du tout, ce qui est mis en avant ici est au contraire la collaboration, le partage et l’échange, tant durant la performance que durant la création de la pièce.

(Benoit Deuxant)

(crédit photos : (c) Beata Szparagowska lors de la création de la pièce à Gand à l'automne 2020)



(x) Les 22 et 23 juillet 2021, le Brussels YouYou Group
organisera un workshop à Globe Aroma dans le cadre de leur festival Summer of Globe
http://www.globearoma.be/fr/evenement/summer-globe-youyou-group/

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