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Focus

"Le Chef est chef, même en caleçon" : 4 questions à Dominique Bela

Le Chef est chef meme en calecon - Dominique Bela

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publié le par Philippe Delvosalle

Journaliste ayant fui le Cameroun suite aux persécutions subies de la part du pouvoir en place, Dominique Bela a rencontré le théâtre au centre de demandeurs d'asile de Bierset. Aujourd'hui comédien, il présentera son premier "seul en scène" au PointCulture Bruxelles dans le cadre de "Habiter l'exil".

- Tu travaillais dans la presse au Cameroun – une activité qui t’a d’ailleurs poussé à partir vu les risques auxquels l’exercice de ce métier t’exposait dans le contexte politique du pays – et c’est, je crois, via une rencontre avec le Nimis Groupe au centre d’accueil de Bierset que tu t’es mis à faire du théâtre. À ce moment-là, t’imaginais-tu continuer à faire du théâtre plus que quelques jours, quelques mois ? Enchainer avec un second spectacle ? Un troisième ?

- Dominique Bela : Oui en effet, j’étais journaliste. J’ai travaillé pendant une quinzaine d’années comme reporter pour quelques journaux locaux, je suis parmi les pionniers de la télévision privée TV Max. J’ai par ailleurs été correspondant des médias internationaux CNN, la Lettre du Continent, Voice of Africa, Africa Initiative, etc. Une carrière professionnelle dense mais cependant émaillée par des arrestations, des interpellations de toutes sortes et une condamnation à une peine d’emprisonnement jusqu’à mon départ du Cameroun.

J’arrive au théâtre par effraction, un accident, presque par une envie d’échapper à l’ennui, de m’évader du centre de demandeurs d’asile. — Dominique Bela

Une rencontre avec des comédiens sortis du Conservatoire royal de Liège et certains issus d’une école de théâtre en France, un après-midi d’automne 2013. Je ne croyais pas que ça irait si loin. Je me souviendrai toujours du jour de l’examen d’entrée au Conservatoire royal de Liège. Tous les candidats étaient morts de peur, moi au contraire, j’étais fou de joie. Pour l’anecdote, j’ai demandé pendant l’examen à mon jury d’applaudir alors que je chantais une berceuse du pays Éton ! (rires)

Six ans plus tard, je suis devenu l’homme que je suis : comédien. C’est une réussite, je m’en félicite. Le chemin a été long, difficile. Il m’arrivait parfois de dormir le ventre vide et retourner à l’école le lendemain… C’est la vie. — Dominique Bela

Oui j’ai écrit mon premier spectacle Le Chef est chef même en caleçon et je le joue depuis l’année dernière. Il est très bien accueilli partout, en France et ici en Belgique. J’espère pouvoir le jouer dans les centres fermés, les centres ouverts pour demandeurs d’asile, les écoles, les théâtres, dans le plus grand nombre de lieux possibles.

J’ai commencé la rédaction d’un second spectacle qui va traiter du bruit et du silence mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.

- En quoi il y a-t-il des ressemblances ou des différences entre le fait de diffuser une information vers un public en tant que journaliste ou de raconter une histoire, de dévoiler une réalité sur les planches, en tant qu’acteur ?

Je partirai d’une anecdote pour répondre à cette question. Nous présentions une étape de travail du spectacle Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu au Conservatoire royal de Liège. À la fin de la représentation, une étudiante émue de la situation des demandeurs d’asile dans les centres, se jette sur moi. Elle pleure. La scène dure deux minutes. En quinze ans de pratique du journalisme, je n’avais jamais vu ça, jamais eu un tel retour ! Pourtant, Dieu sait que j’ai essayé. — Dominique Bela

Le théâtre qui m’habite est celui de la réalité, celui qui prend par les tripes. Je ne suis pas partisan d’un théâtre du divertissement. Mon théâtre est d’utilité publique, d’éveil citoyen, un théâtre de watchdog, de « chien de garde » de notre société. Tous des rôles traditionnellement dévolus aux journalistes !

- Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu du Nimis Groupe était une pièce collective, là avec Le Chef est chef, même en caleçon, tu es seul sur scène. Cela doit impliquer une toute autre dynamique ? Tout le spectacle repose sur tes épaules ?

- Certes, j’ai écrit certes le texte seul ; c’est une œuvre autobiographique. Mais, la mise en scène, la direction d’acteur, l’esthétique lumière et le son sont un travail collectif. J’ai au départ travaillé avec Romain David (du Raoul Collectif) dans la phase de lecture, puis avec Charlotte Brancourt à la direction d’acteur qui est devenue, par la suite, la metteuse en scène du spectacle. Au niveau du jeu, mon travail d’acteur est justement de soigner les coutures : nous sommes une famille, il est bientôt minuit, grand-père nous raconte une histoire avant d’aller au lit…

Le projet naît d’une rencontre avec le directeur d’un théâtre bruxellois à Avignon. L’histoire n’était pas facile à raconter. Ce sont des choses parfois très personnelles. Parfois, il m’arrive à certains moments du spectacle de craquer de temps en temps lors d’une répétition.

- Quand on voit le spectacle, il est évident que l’humour y tient une place très importante, que l’humour te permet entre autres de nous tendre une sorte de miroir à nous les spectateurs belges, blancs, de l’assistance, de te moquer de nous comme tu te moques aussi de toi-même mais aussi de faire entendre plus facilement des réalités dures, sérieuses, pas drôles du tout…

- Les spectateurs me disent que c’est une pièce très forte et touchante, qu’on ressent cette urgence de dire et de témoigner. L’utilisation de l’humour me permet de prendre de la distance. C’est une écriture qui n’est pas complaisante et cela fait du bien.

Interview (par e-mail) : Philippe Delvosalle
(octobre 2019)


Dominique Bela : Le Chef est chef, même en caleçon

Samedi 12 octobre 2019 - 18h30

PointCulture Bruxelles

Dans le cadre de "Habiter l'exil" :



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