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Focus

La quinzaine des abeilles et des pollinisateurs

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nature, nature culture, abeille, environnement, biodiversité, pesticides

publié le par Frédérique Muller

Chaque année, fin mai, la Wallonie se mobilise et met les pollinisateurs à l'honneur lors de la Quinzaine des abeilles et des pollinisateurs. En effet, si les abeilles, bourdons, papillons et syrphes sont au cœur de la nature et de ses processus de reproduction, ces insectes sont en déclin dans toute l’Europe. PointCulture s’intéresse à la relation particulière que nous entretenons avec l’ambassadrice de la campagne : l’abeille.

Sommaire

La quinzaine des abeilles et des pollinisateurs

La quinzaine de l’abeille et des pollinisateurs

Les abeilles et les autres pollinisateurs, tels que les papillons et les syrphes, transportent le pollen de fleurs en fleurs, ce qui permet la reproduction de nombreuses plantes. Sans eux, plus de 85% des fruits et légumes ne peuvent se développer et disparaitraient de nos assiettes. Pourtant, ces pollinisateurs sont en danger. La situation est liée à un ensemble de causes : utilisation de pesticides, perte ou dégradation des habitats, raréfaction des ressources alimentaires, présence de parasites et de prédateurs invasifs (l’acarien varroa et le frelon asiatique).

Cette campagne s’inscrit dans la dynamique du « Réseau Wallonie Nature » et du Plan Maya. Partout en Wallonie, des actions sont proposées : conférences, visites de ruchers, projections de films, expositions et dégustations, etc.

Site de la campagne : http://www.abeillesetcompagnie.be/fr/home

bee movie

Les penseurs de toutes les époques et de toutes les civilisations ont cherché dans la ruche les secrets de la nature et les mystères de la culture, comme si elle était le miroir idéal de l'humanité et le baromètre de son destin. — L'abeille et le philosophe, étonnant viyage dans la ruche des sages

L'insecte politique

L’abeille fait partie de ces espèces animales qui impressionnent fortement l’imaginaire et avec lesquelles nous entretenons un lien privilégié, et ce, quelques soient les continents et les époques. Son organisation sociale, sa capacité à produire le miel, le caractère menaçant et dangereux de son dard, sont autant de traits qui esquissent des figures symboliques pour l’humain.

esprit de la ruche

La structure sociale, source de fascination et d’inspiration

Moins égalitaire aux yeux des Anciens que la fourmi, l'abeille offre un étonnant spectacle d'organisation de la diversité au sein d'un habitat non moins fascinant constitué d'alvéoles géométriques. L’observation fascinée de cette organisation a fait de l'abeille un animal hyper-politique : tour à tour symbole de la Monarchie, de la République, de la société industrielle, libérale, féministe, communiste voire anarchiste...

Au service d’une reine (que l’on croyait être un roi jusqu’au 17e siècle), les abeilles obéissantes sont à l’origine d’une symbolique impériale qui inspira par exemple l’Egypte ancienne, les Mérovingiens ou encore Napoléon. Ouvrières uniformes de la ruche, elles incarnent le fantasme d’une société laborieuse, harmonieuse, organisée, infatigable et disciplinée. Tout comme la fourmi, l’abeille est implacablement soumise à son destin de travailleuse. Dans le premier épisode de la série d’animations pour enfants Maya l’abeille, c’est la première leçon qu’apprend la toute fraichement née Maya : « Les abeilles viennent au monde pour travailler » (à 11’). Les jeunes abeilles doivent faire l’apprentissage des dangers et des secrets de la nature pour devenir des ouvrières efficaces. Dans Bee Movie, la ruche est une organisation hiérarchique de castes avec ses héros et ses petites mains, satisfaites d’accomplir le travail quotidien et d’être chacune un rouage de la machine collective. Le travail de butineurs est confié à l’élite : de gros mâles virils à l’allure de guêpe qui décollent de la ruche tels des avions de chasse, admirés et enviés par la jeunesse apicole. Pour tirer quelques vertus pédagogiques de ce film, il faudra passer sur d’assez nombreuses invraisemblances naturalistes et une place salvatrice douteuse accordée à l’industrie, pour ne retenir que le message de sensibilisation sur l’importance de la pollinisation pour le monde. Dans le film, un jeune diplômé se rebelle contre le « penser abeille » fait de routine et de labeur. Il découvre que l’Homme fait le commerce du miel et se révolte devant les conditions épouvantables de vie des abeilles domestiques. Il organise la résistance. Un glissement de sens s’opère alors (à 59’) et l’arrêt de l’exploitation industrielle des abeilles est assimilé à une atteinte au fonctionnement sacré de la nature. Sans pollinisation au service de la production, le monde est menacé. Réalisant leur erreur, les abeilles reprennent le travail. Terminées les journées passées à siroter du miel dans les ruches. Cette même hérésie de la paresse et de la rébellion au sein d’un système productif hyper hiérarchisé est mise en scène, cette fois de manière décalée, dans la série d’animation Minuscule. Ici, les abeilles trouvent des moyens détournés et amusants d’accomplir leur tâche. L’adhésion à un projet commun, la soumission à une autorité suprême, l’efficacité du travail de l’essaim, une production ininterrompue, la protection de la communauté, voici autant d’aspects qui ont éveillé l’intérêt de l’Homme, tel que peut en témoigner le vocabulaire anthropomorphique utilisé pour décrire les abeilles (reine et ouvrières).

La résonance symbolique de la ruche est très forte. Ce qui interpelle, c’est le caractère géométrique des alvéoles, mis en parallèle avec ce qui est compris comme une « organisation du travail » associée à une forme de protection maternelle. La ruche devient alors un athanor clos où l’insignifiant pollen est transformé en essence précieuse. L’Esprit de la ruche, un film mélancolique à la couleur de miel, raconte l’histoire d’une petite fille dont le père se perd en silence dans une mystérieuse étude entomologique. Les carreaux des fenêtres de la maison sont tels les alvéoles d’une ruche. La métaphore est évidente, à l’image du lien fantasmé par le père entre la société des insectes et la société humaine. Dans son cahier, parlant des abeilles, il relate « l’effort impitoyable et indispensable, le sommeil ignoré annonçant le travail du lendemain, les allées et venues fébriles, l’incessante activité de la multitude, le bourdonnement incessant et énigmatique des nourrices … » (à 24’25).

Le bourdonnement, à lui seul, signifie l’abeille. Dans les décors peints du film l’Ile mystérieuse qui plongent le spectateur au cœur des livres de Jules Verne, un groupe de rescapés tente de survivre sur une île étrange. A l’occasion d’un moment de repos, un couple découvre des traces de miel sur des rochers. En remontant la piste sucrée, le couple est attaqué par des ouvrières géantes au bourdonnement cacophonique, soutenu par une musique oppressante. Au cours de leur fuite, et au lieu de la reine, c’est le navire du capitaine Némo qu’ils découvrent au fond de la ruche (à 59’).

chasseurs de miel

Le miel, source de gourmandise

La première motivation de l’Homme à se rapprocher des abeilles fut probablement la gourmandise. Le miel est utilisé depuis l’Antiquité pour sucrer les aliments ou soigner les blessures. La consommation de miel est ancienne mais l’apiculture ne s’est réellement développée qu’à partir du 18e siècle. Partout dans le monde, depuis les montagnes de l’Himalaya (Chasseurs de miel) jusqu’aux côtes ensoleillées de Provence (Vie et mort d’une abeille), la pratique se perpétue et évolue. Les pratiques apicoles et le fonctionnement de la ruche sont minutieusement filmés dans un documentaire court de 1960 aux images vieillies et teintées de sépia L’abeille et les hommes. On y voit l’évolution des ruches artificielles, depuis les chaumières en paille jusqu’aux aux résidences de chalets alignés. Les abeilles y vivent une courte vie de labeur permettant aux Hommes de savourer quelques douceurs et de profiter de quelques remèdes. Les vertus nutritives et curatives des produits de la ruche continuent à être reconnues aujourd’hui (propolis, miel, gelée royale).

candyman

Le dard, source d’interprétation symbolique

Animal à la double nature, la douceur de son miel s’oppose au piquant de son dard.

Au cours du temps, l’humanité a attribué à l’insecte un certain nombre de qualités métaphysiques. Elles incarnent par exemple l’aboutissement du travail initiatique. Dotées de la capacité de voler vers le ciel, elles possèdent aussi les propriétés d’immortalité et de résurrection. Dans le film La belle histoire, les abeilles accompagnent les personnages pour une histoire d’amour de 2000 ans sur fond de réincarnation et de divin et où « Les abeilles piquent seulement ceux qui ne sont pas innocents ». Le domaine apicole du film Oncle Boonmee est un cadre privilégié pour se souvenir de ses vies antérieures. Dans Candyman, l’abeille est associée à la naissance d’un tueur à l’origine surnaturelle. Le personnage est construit sur cette même opposition entre douceur et punition. La fiction, fascinée par le dard et le groupe, a par ailleurs imaginé de nombreux films où les insectes ont muté jusqu’à devenir de véritables tueurs. Dans The Swarm, le danger est représenté par l’essaim et la multitude. Le dard peut aussi être celui de la justice morale. Dans Viva Maria, une ruche posée sur les rails permet de stopper un train filant à l’assaut d’une révolte paysanne. Les abeilles se font alors de précieuses alliées dans la défense des opprimés (à 1’27’12). L’abeille apporte aussi l’inspiration, elle offre le don de la poésie à Pindare et celui de la science à Pythagore. Elle est symbole d’éloquence et d’intelligence. Saint Ambroise et Platon, séparés par quelques décennies, ont accueillis tous deux un essaim d’abeilles dans la bouche et s’en sont vus gratifiés du don de l’oraison.

la reine malade

fait se répondre des informations sur le taux croissant de mortalité des abeilles et de belles séquences qui prennent leur temps pour montrer le travail d’un homme aux paroles simples et intelligentes. Au début du film, il est au téléphone, des pourcentages défilent, 10 %, 40 %, 25 %… ce n’est qu’un peu plus tard qu’on comprend qu’il s’agit du pourcentage de perte annuelle des ruches. Lors du Congrès apicole de Montpellier en 2009, des scientifiques et des apiculteurs du monde se succèdent à l’estrade. Ils présentent leurs produits et témoignent de leurs difficultés. Les interventions se suivent mais ne sont progressivement plus sous-titrées. On comprend que les situations se répètent, singulières et similaires à la fois. Ce sont à chaque fois des apiculteurs qui sont menacés mais aussi des familles, des savoir-faire, des particularités liées à la biodiversité locale, au climat, aux pratiques et au cheptel. « Il y a partout de beaux produits » s’enthousiasme Anicet après avoir remporté une médaille pour son hydromel. Le film se fait le témoin de l'omniprésence de l'abeille dans la vie d'Anicet. celui-ci compare sa compagne et sa fille à des reines, il parle de symbiose et le spectateur voit des abeilles partout, dans les voitures, dans les maisons, même le reggae qu’il écoute le ramène à son métier. Également éleveur de reines, il privilégie les capacités naturelles des races rustiques pour rendre plus résistantes les abeilles domestiques. On le voit sélectionner, envoyer, surveiller ses abeilles, par tous temps. Quand il regarde par la fenêtre de sa maison, il explique comment, dans cet univers étrangement artificiel que nous fabriquons (défrichage, changement climatique, alimentation artificielle des vaches, plantes génétiquement modifiées, transport d’abeilles par camions pour la pollinisation des cultures, etc.), ses abeilles maintiennent la vie, amènent avec elles une respiration. L’homme veut, à l’aide de son apiculture, « créer une balance dans le déséquilibre ». Il raconte son travail, ses difficultés et ses craintes pour l’avenir mais surtout sa conception d’une apiculture sereine, intégrée dans la région, la population et la nature. Les grands gestes qu’il dessine de ses mains forment avec ses paroles le contour d’un projet généreux. On découvre ici un problème multifactoriel par le témoignage d’un apiculteur touchant qui possède une vision respectueuse et chaleureuse de l’apiculteur et du rapport à l’environnement.

L’espèce menacée, source d’inquiétude

Il existe environ 20 000 espèces d’abeille dans le monde, dont la plus connue en Europe est Apis mellifera, pour son utilisation en apiculture. La majorité des abeilles ne produit pas de miel mais toutes les espèces jouent un rôle dans la pollinisation des plantes, en particulier celles cultivées par l’Homme. Hors, depuis quelques années dans l’hémisphère nord, les apiculteurs observent une importante mortalité des abeilles (syndrome d’effondrement des colonies). Les raisons sont sans doute multiples. La trilogie militante Le Titanic apicole explore avec le ton de la conviction toutes les pistes actuellement discutées expliquer cette mortalité (pesticides, parasites, ondes magnétiques, espèces invasives, OGM, agro-carburant, stress). Avec Le mystère de la disparition des abeilles, le spectateur est touché et ému par la dure vie des abeilles à qui l’on doit tant. Il découvre comment, à partir de pollinisateurs sauvages robustes, la domestication et la sélection ont abouti à la fabrication de petites ouvrières fragiles qui luttent désormais pour survivre. Ce que les abeilles faisaient auparavant naturellement, est devenu aujourd’hui l’objet d’enjeux économiques énormes (utilisation pour la pollinisation des plantes cultivées par l’Homme). Les abeilles sont devenues itinérantes, sans attaches, transportées de champs toxiques en monocultures délétères, ouvrières jetables, dopées et malnutries. Il n’est pas commun de se sentir en empathie avec un insecte et pourtant, le spectateur sera bouleversé par ces petits corps fatigués de travailleuses, devenues sentinelles de la qualité de notre environnement.

Ces images qui allient vertus esthétiques, ludiques, éducatives ou militantes, nous font nous interroger et nous poussent à vouloir agir. En aidant les abeilles, nous nous aidons nous-mêmes. L’histoire des abeilles révèle notre rapport à la nature, à l’environnement, au monde. C’est l’histoire de la domestication, de l’agriculture, de l’industrialisation et du « progrès » qui a conduit à la multiplication des sources de pollution qui se combinent aujourd’hui entre elles.

Dans la région des Hautes-Laurentides au Canada, Anicet Desrochers, un jeune apiculteur s’émerveille devant la jolie couleur blanche et brillante de son miel. Mais la contemplation fait vite place à l’inquiétude, les abeilles se meurent. Le documentaire La reine malade fait se répondre des informations sur le taux croissant de mortalité des abeilles et de belles séquences qui prennent leur temps pour montrer le travail d’un homme aux paroles simples et intelligentes. Au début du film, il est au téléphone, des pourcentages défilent, 10 %, 40 %, 25 %… ce n’est qu’un peu plus tard qu’on comprend qu’il s’agit du pourcentage de perte annuelle des ruches. Lors du Congrès apicole de Montpellier en 2009, des scientifiques et des apiculteurs du monde se succèdent à l’estrade. Ils présentent leurs produits et témoignent de leurs difficultés. Les interventions se suivent mais ne sont progressivement plus sous-titrées. On comprend que les situations se répètent, singulières et similaires à la fois. Ce sont à chaque fois des apiculteurs qui sont menacés mais aussi des familles, des savoir-faire, des particularités liées à la biodiversité locale, au climat, aux pratiques et au cheptel. « Il y a partout de beaux produits » s’enthousiasme Anicet après avoir remporté une médaille pour son hydromel. Le film se fait le témoin de l'omniprésence de l'abeille dans la vie d'Anicet. celui-ci compare sa compagne et sa fille à des reines, il parle de symbiose et le spectateur voit des abeilles partout, dans les voitures, dans les maisons, même le reggae qu’il écoute le ramène à son métier. Également éleveur de reines, il privilégie les capacités naturelles des races rustiques pour rendre plus résistantes les abeilles domestiques. On le voit sélectionner, envoyer, surveiller ses abeilles, par tous temps. Quand il regarde par la fenêtre de sa maison, il explique comment, dans cet univers étrangement artificiel que nous fabriquons (défrichage, changement climatique, alimentation artificielle des vaches, plantes génétiquement modifiées, transport d’abeilles par camions pour la pollinisation des cultures, etc.), ses abeilles maintiennent la vie, amènent avec elles une respiration. L’homme veut, à l’aide de son apiculture, « créer une balance dans le déséquilibre ». Il raconte son travail, ses difficultés et ses craintes pour l’avenir mais surtout sa conception d’une apiculture sereine, intégrée dans la région, la population et la nature. Les grands gestes qu’il dessine de ses mains forment avec ses paroles le contour d’un projet généreux. On découvre ici un problème multifactoriel par le témoignage d’un apiculteur touchant qui possède une vision respectueuse et chaleureuse de l’apiculteur et du rapport à l’environnement.

Le film court Une Passion d'or et de feu s’ouvre sur l’intimité dorée d’une ruche puis se poursuit avec un narrateur : un ancien apiculteur. Il raconte son amour des abeilles, la relation qu’il a tissée avec elles au fil des années. Une relation d’apprenant qui touche à sa fin : « Depuis bientôt 20 années, je suis leur élève et elles ne m’ont pas encore livré tous leurs secrets ». Mais si cet apiculteur cesse son activité, personne ne se présentera pour prendre la relève, et ce, malgré les centaines d’apiculteurs formés là. Alors, André Fontigni, l’apiculteur fatigué, déplore la solitude, s’inquiète de l’avenir et s’interroge : « Qu’ai-je fais pour être si peu entendu ? ». Sébastien Pins, le réalisateur, met l’accent sur le décalage de cette activité perdue au milieu du reste du monde. Les gestes sont tournés au ralenti, le temps est suspendu. Il s’agit de souligner la solitude de l’apiculteur isolé dans un monde moderne qui survalorise la compétition, d’opposer cette solitude à la coopération du monde animal, de filmer la lenteur et le long terme aux prises avec une accélération et une croissance constante, de montrer la douceur et la chaleur de la ruche menacées par la froideur et le poison d’une société économique.

Frédérique Muller

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