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Focus

Kent Monkman et Sammy Baloji : peaux-rouges et colonies

Kent Monkman - diorama au Palais de Tokyo
Le diorama, dispositif muséal inventé pour représenter l’état des connaissances occidentales sur le monde, est conjugué par Kent Monkman pour renverser le point de vue et revisiter l’histoire des Amérindiens colonisés, exterminés, parqués en réserve. À voir au Palais de Tokyo.

Si le diorama a été souvent utilisé pour raconter la nature, la vie des bêtes, il a aussi servi à se représenter les contextes de vie de différentes traditions et folklores. Ainsi, de nombreux dioramas rendent compte de la vie des peuples colonisés, leurs coutumes, leurs habitats, mais aussi les travaux auxquels on les soumettait.

Kent Monkman, d’origine indienne et irlandaise, consacre tout son travail d’artiste à déconstruire l’imagerie coloniale imposée aux premiers peuples d’Amérique. Cela, sous de multiples formes, peintures, installations ou performances. Pour ses installations et performances, il a créé un personnage, Miss Chief Eagle Testikle qu’il met en scène dans des tableaux qui revisitent les clichés et l’histoire officielle. Si le diorama est un dispositif qui fixe des savoirs, les installations de Kent Monkman montrent qu’en modifiant les termes du dispositif, on ouvre vers d’autres savoirs. Ainsi, dans l’installation « Bête noire », son personnage fétiche enfourche une grosse moto, le paysage peint en arrière fond est typique des grands espaces de l’Ouest sauvage. L’indien est dans son rôle de chasseur mais la bête qu’il a poursuivie et tuée de ses flèches, étalée au sol, raide, est un bovin cubiste. À la Picasso. Cela s’accompagne de ce commentaire de l’artiste :
Pour moi, le cubisme et l’aplatissement de l’espace pictural par les modernistes européens sont une métaphore de la compression littérale des cultures et des populations indigènes. — Kent Monkman

C’est alors que l’on comprend que nous n’en avons pas fini avec la décolonisation des esprits, celle-ci devant autant opérer chez les colonisés et leurs descendants que chez les colonisateurs et leurs descendants. Car, à priori, je n’aurais pas établi de lien entre cubisme et colonisation.

Sammy Baloji - diorama

Une autre manière de détourner le diorama, dans un contexte aussi de postcolonialisme, est fournie par Sammy Baloji. Il construit une structure de cage de verre, en tubes métalliques, mais il la laisse ouverte. Au lieu de passer devant et de contempler la formalisation d’un savoir sur tel ou tel fragment d’histoire, il s’agit donc d’une cage ouverte où le visiteur peut entrer et sortir. L’artiste a placé, autour, des documents historiques sur l’histoire coloniale. Des photos et archives de l’expédition de Carl Akeley, des photos issues des collections du Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren. Mais aussi une liste d’ONG œuvrant actuellement, toujours, au Nord et au Sud Kivu, attestant d’une continuation de l’occupation occidentale. Au centre de la structure métallique, un livre à consulter, consacré à l’étude des sols et leurs ressources. Le savoir ne se concentre pas en un point, il se construit en circulant, en réunissant plusieurs points. A l’instant où un visiteur, au centre du diorama, consulte le gros manuscrit, regarde autour de lui pour embrasser les archives d’une histoire dont il est partie prenante, il peut être regardé par les autres visiteurs, encore à l’extérieur, comme la formalisation d’un savoir en train de se faire, questionné, tâtonnant, comme la vie fragile et fragmentaire mise en scène dans le diorama.


Pierre Hemptinne


exposition collective Dioramas (plus de 50 artistes)

Palais de Tokyo
13 Avenue du Président Wilson
75116 Paris

Jusqu'au 10 septembre 2017

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