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Focus

Inde: Ananda Shankar

Inde, fusion, Occident, années 1970, Ananda Shankar

publié le par Anne-Sophie Smudesutter

Expérimentations et rapprochements entre musique indienne traditionnelle et musiques occidentales dans les années 1970.

Sommaire

Ananda Shankar

Issu d’une famille cultivée où la musique occupe une place importante (il est le fils des danseurs classiques Uday et Amala Shankar, et le neveu de Ravi Shankar), Ananda Shankar (11 décembre 1942 – 26 mars 1999) est l’un des premiers musiciens à avoir expérimenté le rapprochement de la musique populaire occidentale (principalement dans sa composante rock progressif) et la musique indienne traditionnelle d’Inde du Nord.

Après avoir consacré 5 années à étudier la musicologie à l’université de Bombay, Ananda Shankar se tourne vers le sitar, qu’il apprend à maîtriser non pas avec son célèbre oncle mais avec Lalmani Misra. Dès le départ, ce qui intéresse Ananda Shankar, ce n’est pas tant la musique classique indienne comme telle que la possibilité de la faire entrer dans la modernité en la mêlant d’influences musicales venues d’Occident.

C’est lors d’un séjour en Californie, à la fin des années 1960, en pleine période flower power, que sa vision prend forme. Le sitar exerçait alors une véritable fascination sur toute une frange de la culture populaire (depuis son utilisation par George Harrison sur « Norwegian Wood (The Bird Has Flown) »). C’est l’occasion pour Ananda Shankar de frotter son sitar aux sonorités en vogue à l’époque, en particulier lors de jam sessions avec Jimi Hendrix. Celles-ci attirent l’attention des responsables de Reprise Records (label appartenant à Warner) qui lui offrent la possibilité d’enregistrer un disque qui réponde à ses aspirations.

Sobrement intitulé Ananda Shankar (1970), ce premier album studio témoigne déjà de son incroyable habilité, aussi bien en tant qu’arrangeur que compositeur, à mêler la musique indienne, basée sur la modulation, aux exigences de la musique populaire occidentale en matière d’accords et de rythmiques. Il explique le sens de son projet sur la pochette du livret : « I have had a dream to try to combine Western and Indian music into a new form, a music which has no particular name but is melodious and touching, and which combines the most modern electronic devices with the old traditional instrument, the sitar ».

À l’inverse de nombreux groupes psychédéliques qui cherchent à rehausser la saveur de leur musique en y introduisant les ingrédients exotiques que sont tablas ou sitar, Ananda Shankar place d’abord le sitar au centre de ses compositions et crée ensuite des rythmes et accompagnements mélodiques qui sont résolument issus de la culture pop occidentale, tout en restant toujours au service de son instrument de prédilection. Grâce à ses belles plages contemplatives et hypnotiques où le sitar se marie élégamment au moog, grâce aussi aux reprises hallucinées de « Light My Fire » des Doors et de « Jumpin’ Jack Flash » des Rolling Stones, ce disque s’est d’emblée imposé comme un jalon important de la rencontre Orient-Occident en musique.

Au cours des années 1970, Ananda Shankar rentre en Inde où il  poursuit ses expérimentations musicales en les élargissant à l’influence du jazz et des rythmes funk, en accentuant l’apport du moog et en introduisant davantage d’instruments traditionnels indiens (le mridangam, le sarod, la vînâ). Plus audacieuse et plus affirmée, son identité musicale trouve sa forme la plus achevée sur son deuxième album solo, Ananda Shankar and his Music (1975). Deux morceaux en particulier (« Streets of Calcutta » et « Dancing Drums ») font alors sensation, et restent d’une actualité étonnante.

Deux ans plus tard, Ananda Shankar produit un album en hommage à son père décédé, Missing You (1977). Plus apaisé, il n’en est pas moins travaillé au niveau des mélodies. Dans les notes du livret, il rapporte un conseil que lui rappelait souvent son père : « Donne au public ce qu’il aime avant qu’il ne sache qu’il l’aime ». Ce conseil, qui exhorte à ne pas suivre les tendances mais à les précéder, il cherchera à le faire sien tout au long de son œuvre. Ce disque sera réédité en 1983, augmenté de 4 morceaux, sous le titre I Remember.

En 1978, se joignant aux commémorations de la disparition du King, Ananda Shankar réalise un E.P. sur lequel il reprend au sitar 4 titres d’Elvis Presley : India Remembers Elvis (1978). À l’instar des deux reprises qui avaient lancé sa carrière internationale, ce disque oscille constamment entre le kitsch culturel et le génie musical. La même année, à l’instigation du bureau du tourisme indien, il sort A Musical Discovery of India où il met tout son talent d’arrangeur et tout son art de mélangeur d’influences au service de mélopées indiennes savamment orchestrées dans un moule résolument pop.

Dans les années qui suivent, il produit encore deux disques dans la même veine, expérimentant constamment de nouvelles sonorités et rythmiques : Sa-re-ga Machan (1981) et 2001 (1984). Il réoriente ensuite sa carrière, délaissant l’univers de la pop et du rock. Il produit alors des œuvres pour la radio, la télévision et le cinéma. En 1987, il inaugure avec son épouse, la danseuse Tanusree Shankar, l’Ananda Shankar Centre for Performing Arts. S’inspirant du travail de son père, il insuffle dans cette institution l’esprit qui était déjà le sien lorsqu’il composait : « The style is Indian in origin and spirit, modern in presentation and has universal appeal » (www.tanusreeshankar.com).

Au milieu des années 1990, son œuvre musicale est découverte par une nouvelle génération de musiciens, producteurs et dj’s anglais. Ce retour sur le devant de la scène musicale se concrétise par la réalisation d’un nouvel album (sorti de manière posthume) en compagnie du collectif State Of Bengal : Walking On (2000). Ananda Shankar y marie, avec simplicité et élégance, le son traditionnel de son sitar, ainsi que du tabla et de la vichitra vînâ, aux rythmiques breakbeat du groupe mené par Sam Zaman. La boucle est alors bouclée pour cet artiste original, ancré dans sa tradition et ouvert sur le monde, qui préfigura par son œuvre le devenir des musiques traditionnelles revigorées par une modernité qui n’est pas que menace et péril pour les traditions.

(Sylvain Isaac)

Discographie:

Ananda Shankar (1970)
Ananda Shankar and his Music (1975)
Missing You (1977)
India Remembers Elvis (ep) (1978)
A Musical Discovery of India (1978)
Sa-re-ga Machan (1981)
I Remember (réédition augmentée de Missing You) (1983)
2001 (1984)
Melodies from India (compilation – 1989)
Walking On (2000)
A Life in Music (Best of the EMI Years) (compilation – 2007)

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