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Focus

Il était une fois… le conte en éducation à l’environnement

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publié le par Frédérique Muller

Arrivée un peu en avance le matin du premier jour de formation, je m’installe dans la petite salle à gauche au rez-de-chaussée du CRIE de Liège. Au fur et à mesure des arrivées, nous faisons connaissance au sein de notre petit groupe, très hétérogène, de sept personnes, venues se former à l’art du conte dans une perspective d’éducation à l’environnement. Récit d'une expérience.

Une fois tous réunis, Marie Bylyna, conteuse et formatrice, nous emmène à l’extérieur, devant les serres botaniques pour un petit réveil corporel avant de commencer la première étape de ce voyage qui prend la forme d’une immersion, à la fois dans les histoires et dans le végétal. Nous sommes alors amenés, à tour de rôle, à lire puis à écouter une histoire. À cet effet, des chaises ont été installées dans les serres, éloignées les unes des autres. À tour de rôle, les participants sont lecteurs et auditeurs. Les auditeurs ont les yeux bandés et attendent que les lecteurs se succèdent, assis à côté, pour lire une histoire tirée de la bibliothèque personnelle.

Un premier exercice que les participants qualifieront en fin de matinée de beaucoup d’adjectifs positifs bien que nécessitant un lâcher prise parfois difficile, voire perturbant, notamment sur la vue. Les yeux ainsi bandés au creux de la serre dont on peut percevoir la protection et l’intimité qu’elle offre, ainsi glissé entre les feuillages, nous attendions les lecteurs. Nous sentions la chaleur, les odeurs et les petits sons des installations techniques de la serre interrompus par les pas puis par la voix des lecteurs qui défilaient, espacés de quelques minutes de silence. Abandonner la vue au profit des autres sens est un apprentissage. L’exercice a pour moi obligé à un réel abandon d’une activité cérébrale sans arrêt tournée vers les projets en cours au profit d'une intense et bienfaisante concentration sur le présent. Marie Bylyna explique que le fait d’avoir les yeux bandés offre aussi une sorte de protection au lecteur, qui, en tout cas au début, peut se sentir vulnérable.

Nous discutons ensuite dans le confort chaleureux autour d’une table accueillante installée par Marie et nous apprenons à faire connaissance plus avant. Le temps d’un conte et d’un déjeuner plus tard, nous entamons l’après-midi. Nous devons cette fois, par petits groupes de trois ou quatre, choisir un petit périmètre de nature dans ce qui nous entoure, y identifier des personnages et imaginer leur histoire. En peu de temps, nous choisissons ce petit coin de serre mêlant mousse et plantes carnivores, remarquons clairement nos personnages dans ce décor et imaginons une histoire autour d’un obstacle à franchir. Il s’agit ensuite de raconter aux autres groupes notre histoire.

Je retiens la bienveillance du groupe, c’est quelque chose qui m’a marquée, parce que conter, cela reste un défi, il faut se lancer, et cela même si j’utilise le conte régulièrement lors des animations ici, à Virelles. Coup de cœur pour la première activité, celle où nous écoutions, yeux fermés, les contes lus. J’ai commencé par lire, et c’est en ayant ensuite les yeux fermés que j’ai ressenti l’incroyable intimité qui s’installe entre celui qui raconte et celui qui écoute… (peut-être que l’ambiance des serres du jardin botanique y était pour quelque chose…). Depuis, lorsque je raconte une histoire, j’essaie de me souvenir de ce que j’ai ressenti, les yeux fermés, et j’essaie qu’entre moi et chaque petit ou grand qui m’écoute il y ait ce même partage d’imaginaires — Steph de l'Aquascope de Virelles

Le conte et la fable

Le fait même de raconter ou d’écouter une histoire permet de développer des compétences d’écoute, d’attention, d’imagination. Mais au-delà de la forme, le récit peut avoir des vertus éducatives du fait de l’histoire racontée. L’exercice n’est pas si simple qu’il parait.

Dans le n°104 de Symbiose (1), Jean-Philippe Robinet, alors formateur à l’IEP, et Yvan Couclet, conteur, formateur et enseignant, insistent sur ce qui est spécifique au conte. « La fable vise à donner une leçon de vie, n’hésitant pas à énoncer clairement sa moralité en début ou en fin de récit. Le conte ne prêche pas si directement. Jamais il ne nous dit ce que nous devons penser. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas porteur de valeurs. Comme toute performance artistique, il en est empreint mais, par essence, le conte ne contient pas de morale explicite. »

Marie Bylyna choisit des contes qui la touchent. « Des histoires de tous les jours, des histoires de rencontres, de la terre, des cycles de vie, du temps qui passe, d’amour et d’espoir. Ces contes interpellent, questionnent mais ne donnent pas de réponses toutes faites. » « Ces questions me font vibrer de toute mon âme, c’est cette vibration que je partage au public ». (1) « Je ne peux conter qu’avec mes émotions. La mobilisation d’éléments concrets de mon histoire de vie me permet de les faire émerger. » (2)

L’environnement et le conte, des constructions à transmettre et à interroger

« L’environnement naturel est très porteur d’émotions pour moi. Et d’une manière différente, le conte l’est également. D’un côté, l’environnement naturel m’évoque la terre grouillante de vie diversifiée et incroyablement belle qui s’est développée au cours du temps. De l’autre, le conte m’inspire la transmission d’un imaginaire construit lui aussi au fil du temps. » « C’est peut-être cet aspect transmission d’un patrimoine qui me fait associer l’environnement naturel et le conte, l’idée que pour l’un et pour l’autre, nous sommes des passeurs. » (2)

Le conte rejoint alors un vieil enjeu de l’éducation à l’environnement. Il s’agit de toucher, de mobiliser ou de mettre au travail sans imposer. Les amateurs de contes se diront peut-être, à juste titre, que les contes traditionnels sont pourtant relativement manichéens et, par ailleurs, souvent colporteurs d'une vision négative ou menaçante de la nature sauvage. Marie Bylyna, dans une analyse réalisée par l’IEP (2), rappelle alors que la dimension symbolique originelle des contes a souvent été oubliée. Par ailleurs, la transmission orale de ceux-ci, avant qu’ils soient consignés par écrit par des auteurs tels que Perrault ou Grimm, les autorise à être modifiés, réinterprétés. C’est même, pour certains conteurs, un devoir ! (1)

La parole contée et le lien

Raconter suppose de s’être approprié l’histoire, voire l’avoir éventuellement réinterprétée, et de pouvoir la partager sans support (sans livre).

Cette oralité est également porteuse d’une autre valeur insoupçonnée et sans doute sous-estimée dans sa portée. Car le conteur, dans sa voix, ses postures, traduit ses intentions vis-à-vis de ses personnages et de leurs actes. C’est alors un espace qui s’ouvre pour la discussion, l’échange de points de vue. Marie Bylyna explique : « Il y a quelque chose dans le conte qui me permet de communiquer ma sensibilité environnementale. Quelque chose qui me permet de me mettre en lien avec le milieu de vie, avec des gens et avec l’environnement. » « Lorsque je conte ou que je forme d’autres à cet art narratif, je fais le pari que le conte puisse toucher, émouvoir le public auquel je m’adresse et constituer un levier de changement ». (2) « Si, après avoir vibré en entendant l’histoire du lien entre un homme et un poirier, quelques personnes du public optent pour planter un poirier dans leur jardin plutôt qu’un arbre exotique, ce serait magnifique. Si, après avoir été touchés par l’évocation d’une prairie fleurie, quelques personnes laissent un coin de leur jardin en friche, ce serait magnifique aussi ». (2)

Le rôle des émotions est souvent remarqué parmi les conteurs. Pour Marie Bylyna, ce sont elles qui peuvent constituer un levier de changement. « Un lien crée fugitivement une vibration commune. C’est à mes yeux le moment clé de la sensibilisation » (2).

Adultes admis

Les contes sont de nos jours essentiellement proposés aux enfants, pourtant les conteurs n’ont de cesse de le rappeler : les contes sont aussi destinés aux adultes. Ces derniers en étaient même sans doute, à l’origine, le premier public. Le conteur, Paul Fauconnier, conteur, aime rappeler que « les contes ne sont pas faits pour endormir les enfants mais réveiller les adultes ». (1)

C’est un art populaire par essence, accessible à tous les publics même si il est nécessaire de s’adapter à ceux-ci, au moins dans le vocabulaire employé.

Les ateliers de formation proposés par Marie Bylyna

Marie Bylyna conte depuis 20 ans. Assez tôt, elle développe une sensibilité particulière dans sa relation à la nature. D'abord au sein de l'asbl Jeunes et Nature.

"Mon investissement dans l'asbl Jeunes et Nature date de bien avant mes études (depuis mes 12 ans comme participante et puis comme animatrice dès 17 ans, jusqu'à 30 ans environ). Je propose aujourd'hui des ateliers de formation au sein de leur formation longue d'animateurs, en tant qu'intervenante extérieure. Ce parcours chez Jeunes et Nature (participante puis animatrice et porteuse de l'ASBL) a été déterminant pour moi."

Ensuite, adolescente, elle s'est formée à l'animation nature en Belgique et en France, et, en parallèle, a poursuivi des études d'enseignante. Elle rédige alors un mémoire sur le thème « Pourquoi et comment développer des animations du domaine de l’imaginaire en ErE (Éducation relative à l’Environnement). Elle a ensuite travaillé comme animatrice nature pendant plusieurs années (Natagora/ réseau CRIE/ fermes pédagogiques...) puis comme formatrice en France au CEP de Florac (devenu Supagro de Florac).

Elle travaille actuellement comme conteuse professionnelle spécialement dans le domaine de la sensibilisation à l'environnement et comme formatrice pour l'IEP.

Marie Bylyna est inscrite auprès de la Fédération des conteurs professionnels. Elle propose aussi des formations dont le but est de rendre capable de raconter une histoire sans support. Cela passe par un travail technique sur la voix, le corps, le regard, etc., mais surtout sur la place accordée aux émotions. « La complexité est notamment de réussir à identifier et recontacter cette émotion, de la faire émerger au moment opportun, de bien la « doser », qu’elle soit maitrisée dans son intensité comme dans sa durée ». (2) « Les formations que je donne contribuent à trouver cette justesse du lien émotionnel entre le soi, l’histoire racontée et le public ». (2)

Formation proposée avec l’IEP : http://institut-eco-pedagogie.be/spip/spip.php?article462

2 sources :

(1) Symbioses n° 104 (quatrième trimestre 2014) https://www.symbioses.be/consulter/104/

(2) Analyse de l’IEP : les émotions et le conte au service d’une transformation écosociale ? Interview avec Marie Bylyna

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