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Focus

Environnement et outils numériques – Partie 1 : déchets, exploitation des ressources naturelles, pollution, rapports Nord/Sud

welcome to sodom

Nord/Sud, environnement, numerique, pollution, déchet, ressources naturelles

publié le par Frédérique Muller

Dans le cadre de la Semaine Numérique (du 12 au 23 octobre), PointCulture propose, autour de quelques documentaires, un petit cadavre exquis et non exhaustif des réflexions sur les nœuds qui lient ensemble les opportunités liées au numérique et les dommages sociaux et environnementaux qu’ils entrainent. Partie 1 : déchets, exploitation des ressources naturelles, pollution, rapports Nord/Sud. Partie 2 : créativité, démocratie, gouvernance et asservissement.

Sommaire

Gestion des déchets et inégalités

Nous sommes aujourd’hui quatre milliards à nous connecter quotidiennement pour des raisons professionnelles et personnelles (smartphones, ordinateurs, GPS, jeux vidéo, achats, vidéo et musique en ligne, etc.). Une fois jetés, la plupart des matériaux sont réutilisables, parfois précieux, parfois nocifs pour l’environnement. Les déchets sont en partie pris en charge par des circuits officiels (comme Recupel en Belgique). On estime à 30 ou 40 % le taux de prise en charge par ces circuits officiels. Le reste de nos déchets est récupéré par des « ferrailleurs » ou simplement jeté à la poubelle. Les déchets électroniques sont alors incinérés ou enterrés, provoquant d’importantes pollutions. Selon le Programme des Nations unies pour l’Environnement, plus de 50 millions de tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) sont produits chaque année dans le monde. Il semble que 80% des DEEE sont envoyés illégalement dans des pays en développement, dont bon nombre en Afrique, selon la Banque mondiale. En Afrique de l’Ouest, en Inde ou en Chine, fleurissent d’immenses décharges à ciel ouvert où vivent dans une grande précarité des milliers de personnes. Ils sont à l’origine de graves nuisances pour l’environnement et la santé humaine. L'une des raisons avancées pour justifier une telle attitude est que ces produits permettraient d’alimenter le marché de l'occasion très important sur le continent africain, où nombre de personnes n'ont pas les moyens financiers de se procurer du matériel neuf. Mais la principale raison reste que le recyclage est trop coûteux et dangereux au regard des normes environnementales des pays industrialisés. (source : France tv info, article : La décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie, véritable défi économique et environnemental pour le Ghana, 17.03.20).

Film : Welcome to Sodom

La décharge d'Agbogbloshie, "Sodome", au Ghana, la plus grande décharge de déchets électroniques du monde. Sodome, dans la Genèse : une cité punie par le souffre et le feu pour ses péchés. Mais au Ghana, les péchés qui entraînent la destruction sont commis bien plus loin au nord, en Occident, où sont achetés les ordinateurs, écrans et smartphones qui sont abandonnés à Sodome.

L'ange de la Genèse, venu vérifier sur place la nature des péchés, est ici un caméléon. Sa marche, ainsi que l'omniprésence du feu, tissent ensemble le fil conducteur du film. Le feu consume les déchets mais aussi les corps, les vies et les rêves des hommes, femmes et enfants, six mille personnes qui l'utilisent pour récupérer le cuivre. Des petits fagots de câbles sont ainsi continuellement jetés sur le brasier pour faire disparaître les gaines et autres matériaux inutiles. Un homme explique : le feu crée mais il peut noircir un cœur. Lui, il sait comment « dompter le monstre » pour récupérer les blocs de cuivre encore fumants. « L'eau et le feu travaillent ensemble ». Les enfants vendent de l'eau, dans de petits sachets plastiques, pour être répandue sur les corps à refroidir et les feux à éteindre.

« Cet endroit mange les corps ». Il mange les vies, les fait disparaître dans la fumée qui s'échappe du sol et des corps brûlants, à peine rafraîchis par l'eau jetée sur la peau de temps en temps. Le film dépeint une situation, un décor et isole quelques portraits parmi ces hommes et ces femmes venus ici pour s'en aller. « Les hommes qui veulent partir vers l'Europe meurent noyés. L'homme du feu veut partir avec un passeport ».

La sueur ruisselle de tous les corps des hommes, femmes et enfants qui fouillent le sol et charrient des sacs lourds de déchets jusqu’à la balance pour y être pesés. Se succèdent alors une série de négociations sur la qualité du contenu, son poids, son prix, etc.

Un homme repense à la savane où il a grandi. Les bruits de martèlement le ramènent à Sodome. La décharge résonne continuellement du son du travail dans les déchets et le feu. Elle résonne aussi de danses et de chansons, comme « Welcome to Sodom », enregistrée sur place par D-Boy pour célébrer le lieu. Il y parle du combat quotidien dans ce lieu qui doit mener à la liberté. Pourtant, les habitants de Sodome semblent prisonniers. « Parfois, on tue la bête, parfois la bête vous tue. Mais on ne peut pas quitter cet endroit. Je rentrerai chez moi après ma mort. »


Obsolescence, coût énergétique et métaux rares

L’empreinte écologique de l’univers numérique représente aujourd’hui 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cette empreinte pourrait doubler d’ici 2025. Un quart de cette pollution est générée par les data centers, près de la moitié par nos usages. Il existe 45 millions de serveurs dans le monde et, en une heure, 10 milliards de mails sont échangés (hors spams). Quant au matériel même, sa fabrication requiert aussi beaucoup de matériaux : 800 kg de matières premières sont mobilisées pour la fabrication d’un ordinateur de 2kg. Paradoxalement, plus nous dématérialisons nos pratiques, plus nous utilisons de matière. La miniaturisation complexifie les composants et alourdit l’impact environnemental. En plus d’être gourmands en énergie, les composants complexes requièrent l’usage de matériaux rares comme le tantale ou l’indium. Ces minerais sont en voie d’épuisement. Les mines d’extraction des matériaux nécessaires imposent par ailleurs des conditions de travail inacceptables. (*)

Film : Internet, la pollution cachée

Le film s’ouvre sur la naissance d’un enfant. Au même moment, nait son double numérique. Ce dernier grandit vite et pèse de plus en plus lourd. Son poids s’ajoute à celui de ses parents et de tous les autres utilisateurs du web. Aujourd’hui, l’utilisation du numérique est devenue courante et baigne dans une imagerie de dématérialisation. Mais le film montre, au contraire, que le numérique repose sur une infrastructure lourde, notamment en raison des data centers dont le coût énergétique est important. Ceux-ci sont en grande partie alimentés par une énergie fournie par des centrales au charbon. En plus de la pollution du sol et de l’eau, ces centrales rejettent des gaz à effet de serre qui aggravent le changement climatique. L’extraction du charbon est elle aussi problématique. Le film dévoile des images des montagnes des Appalaches éventrées et décapitées à cette fin. « C’est ici que le nuage, le cloud, devient réalité et touche le sol ». Le film termine sur des propositions d’alternatives portées par Greenpeace (développement des énergies renouvelables) et Jeremy Rifkin (la troisième révolution industrielle). Celui-ci promeut une issue favorable au développement du numérique en misant sur des réseaux collaboratifs non centralisés et sur le développement des énergies renouvelables.


Pollution omniprésente et invisible

Une autre pollution est aussi invisible, liée aux ondes émises par les appareils connectés. Liée aussi aux infrastructures matérielles qui sillonnent les paysages (réseaux de distribution de l’énergie et des voies de communication).

Film : Cherche zone blanche désespérément

Pour des raisons encore mal comprises, des femmes, des hommes et des enfants deviennent hypersensibles aux champs électromagnétiques artificiels, ceux de la téléphonie mobile, ou ceux du courant électrique 50 Hz. Pour se protéger de souffrances très invalidantes, ces personnes doivent se calfeutrer, déménager ou pire encore, quitter leur famille et arrêter de travailler. Les nouvelles technologies de communication effacent lentement une partie de la population de la vie publique, victime de la pollution électromagnétique. Peu de personnes sont encore officiellement déclarées électro-hypersensibles et les études sont encore rares, contestées et discrètes. Dans le même temps, les personnes interrogées ici décrivent leur quotidien infernal et critiquent le terme « sensible » comme si les symptômes éprouvés tenaient d’une interprétation ou de la sensiblerie.


Film : Les Désobéissants

Face à un projet d'implantation de lignes à haute tension au-dessus d'un champ, des paysans résistent. La caméra les accompagne, jusqu’à la défaite dans leur lutte face à ceux qui ont le pouvoir d'imposer. Elle filme le quotidien d'une lutte motivée par la nécessite de préserver la santé du troupeau de vaches, menacée par l'effet des lignes à haute tension. La santé du troupeau est aussi garante de la survie de l'activité des éleveurs et de la possibilité d'installation de leur fils.

extrait ici


Dans la pratique

outils numériques et ere

Les pratiques des acteurs de l'éducation à l’environnement :

Les acteurs de l’éducation à l’environnement ont identifié une série d’opportunités et de menaces liées au numérique dans une enquête menée par le Réseau IDée pour un colloque organisé en 2018. L'étude relate une grande diversité de postures face aux outils et recense une liste de pratiques intéressantes ou problématiques. Dans le compte rendu du colloque, le Réseau IDée a par ailleurs rendu accessibles les deux conférences organisées pour l'occasion : « Réduire l’impact du numérique », avec Jonas Moerman, conseiller énergie à écoconso, et « Éduquer durablement avec le numérique : enjeux, défis et opportunités » , Nicolas Roland, chercheur en sciences de l’éducation, responsable DSEA.

ademe

Les pratiques pour minimiser son impact environnemental :

- Allonger la durée de vie de son matériel informatique, pratiquer le recyclage à la vente et à l’achat, opter pour le reconditionnement, favoriser les labels (EPEAT, l’Ange bleu, TCO, Ecolabel Nordique). Ces pratiques ont un impact favorable sur les émissions de gaz à effet de serre et sur l‘extraction de métaux rares.

- Supprimer tout ce qui n’est pas utile : brancher ses équipements à des multiprises à éteindre après utilisation, fermer les applications non utilisées, limiter son temps sur les écrans, vider sa boite de messagerie électronique et notamment sa corbeille. Saisir l’adresse directement dans la barre de navigation au lieu d’interroger un moteur de recherche.

- Favoriser les alternatives : Ecosia comme moteur de recherche, Green IT pour aider les développeurs qui souhaitent adopter une démarche de sobriété numérique.

- Éviter le recours aux produits spéculatifs comme le bitcoin. Pour exister, ceux-ci procèdent à des calculs mathématiques énergivores.

(*) : source : rapport de l’ADEME « La face cachée du numérique », novembre 2019

Conclusion

L’outil numérique est, comme tout outil, le fruit d’un monde. Il est là où se nouent de nombreux fils, qui parfois tissent ensemble des pratiques aux résultats inédits et bénéfiques, parfois des tableaux funestes. Il est impossible de ne tirer que sur un fil sans imprimer une tension sur les autres. S’intéresser aux économies d’énergie ou aux ressources en métaux rares oblige à prendre en compte les inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud, ainsi que sur un rapport utilitaire et prédateur au monde. Pour qu’à l’avenir, le numérique devienne convivial – au sens d’Ivan Illich –, il est important de considérer toute la toile.

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