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Focus

« Die Stadt ohne Juden » (« La Ville sans Juifs») de H. K. Breslauer (1924)

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Une satire de l’antisémitisme qui, presque un siècle plus tard, fait toujours rire… jaune. Bientôt en ciné-concert à Charleroi et à Liège.

Sommaire

Sauvé de l'oubli

La Ville sans Juifs, c’est d’abord l’histoire d’un film que l’on croyait perdu à jamais, et, plus encore, celle d’une œuvre de 1924 dont l’existence même relevait presque de la légende ! Il a été restauré, par souscription publique (même si quelques inévitables « traces du temps » au niveau de l’image subsistent sur la fin).

Ce film muet présenté comme expressionniste narre une espèce de conte dystopique à rebours, ou de satire noire – qui se termine bien – dans une contrée imaginaire appelée Utopia.

Le pays traverse des temps économiques difficiles et est agité par de fortes tensions sociales. La bourse s’effondre et la monnaie ne vaut bientôt presque plus rien ! Bientôt, sous l’impulsion des membres proactifs du parti pangermaniste, les autorités politiques d’Utopia décident d’expulser les Juifs du pays. La stupeur s’empare bientôt des citoyens juifs ou d’origine juive, mais aussi de tous les « Utopiens » avec lesquels ils vivent (des couples de fiancés « mixtes » sont obligés de se séparer), avant de se résigner et de prendre, sous bonne escorte, la direction de la gare principale et de quitter le pays. — scénario de "La Ville sans Juifs"... en 1924 !

Mais l’embellie économique espérée ne se produit pas et Utopia s’enfonce encore un peu plus dans le marasme économique et la misère culturelle, avant que l’un de ses anciens « expulsés », sous une identité d’emprunt et un masque d’artiste de passage, ne pousse l’assemblée parlementaire à voter le retour de ses ex-concitoyens bannis d'Utopia.

Malgré son côté somme toute bon enfant – l’expulsion des Juifs montre plutôt des scènes de séparation déchirantes que des séquences de déportation violentes –, avec le recul de l’histoire et la réalité de la Shoah, survenue moins de vingt années plus tard, La Ville sans Juifs prend inévitablement les atours d’une fable dramatiquement prémonitoire.

Antisémitisme : mode d'emploi

Die Stadt ohne Juden - Breslauer 1924 - affiche

Utopia, sorte de cité jumelle de Vienne, vit dans un climat d’abattement semblable à celui de l’Autriche des années 1920, devenu un petit état résiduel essentiellement germanique qui vit dans le deuil de la disparition d’un empire austro-hongrois multi-ethnique qui a volé en éclats à la fin du premier conflit mondial. La jeune nation, à l’instar de la jeune république allemande voisine de Weimar connait une crise économique déflationniste majeure liée au coût du paiement des exorbitantes charges de guerre qui incombent aux vaincus.

Or dans cette brillante société du XIXème et début XXème siècle, l’antisémitisme demeure vivace, ponctué de régulières poussées de fièvre, alors qu’elle doit en partie ses réussites scientifiques et économiques à ses citoyens d’origine juive qui ont clairement opté pour une intégration/assimilation à leur société d’accueil. Ainsi, par exemple, Karl Lueger (maire de Vienne de 1897 à 1910), mène un combat contre « le péril juif » et exercera une influence directe sur le jeune Adolf Hitler qui séjourne dans la capitale à cette période.

Ambiguïtés

Dans le film de Breslauer, le Juif est un personnage par essence multiple. Si l’on voit bien des Juifs pieux dans une synagogue, tant le personnage principal, homme d’affaires/artiste promis à la fille d’un notable d’Utopia qui finira plus tard par faire infléchir la politique envers ses concitoyens israélites, que ce bon vivant rondouillard follement amoureux d’une cuisinière, on ne montre ici que des composantes sociales habituelles (banquiers, tailleurs, modistes, artisans, travailleurs, etc. ) d’une société de son temps. Et à « Sion », une contrée imaginaire qui équivaut au foyer juif naissant sur le territoire de la Palestine dans l’entre-deux guerres et qui accueille une partie des expulsés juifs d’Utopia , ces derniers ne se sentent pas chez eux.

Les représentants du parti pangermanique ressemblent, eux, à des caricatures à peine dégrossies de bourgeois sans manières, qui se verront ridiculisés avant la fin du film et dont le leader paranoïaque sera interné dans un asile d’aliénés (clin d’œil au Cabinet du docteur Caligari, Robert Wiene 1920).

Mais alors qu’il expose les habituels clichés sur les Juifs (fourbes, riches, profiteurs, manipulateurs, inassimilables, etc. ) pour mieux les dénoncer, le cinéaste autrichien (qui rejoindra plus tard le parti nazi en 1940) prête au principal responsable du retournement de situation final, des « qualités » de manipulateur et de farceur doué qui agit masqué sous une fausse identité… Une approche complotiste qui, elle aussi, flirte avec les clichés et les préjugés antisémites les plus courants !

Yannick Hustache



Agenda des projections

Die Stadt ohne Juden (La Ville sans Juifs de H. K. Breslauer, Autriche 1924)

Version restaurée - Ciné-concert par l'ensemble L'Heure de musique

Mardi 18 février 2020 à 14h et 20h
Quai 10 (Charleroi)


Jeudi 20 février 2020 – à 14h et 20h (sold out)
Cité Miroir (Liège)


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