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Focus

Images Mentales | De l'art des fous à l'art brut - quelques repères

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art brut, santé mentale, La Vénerie, Adolf Wölfli, maladie mentale, Jean Dubuffet

publié le par Nathalie Ronvaux

Dans le cadre des 12èmes Rencontres Images Mentales, La Vénerie interroge ce 11 février la notion de normalité dans l’art en relation avec l'art brut et ses expressions musicales.

Sommaire

Le concert-conférence

Il s'insère dans le cycle "Echos - Musique et Pensées", axé cette année autour de la relation entre la musique et la peinture.

A travers les personnalités d'Adolf Wölfli, d'André Robillard et de Koji Nishioka, Sarah Kokot (chargée de projet et de la communication à l'Art et Marges musée) et Baudouin de Jaer (violoniste et compositeur qui a analysé et retranscrit la musique intégrée par Wölfli dans ses tableaux) nous donneront leur définition de l'art brut en musique. La partie musicale sera assurée par Thierry Fiévet (piano), Akram Ben Romdhane (violon), María Palazón (violoncelle), Fábio Martins (trompette) et Ashley Marques (clarinette). Plus d'info ici.

Naissance de l'art brut

En 1945, Jean Dubuffet (1901-1985), peintre, sculpteur et collectionneur, théorise l’Art Brut. Ce concept recouvre des créations en marge des courants artistiques officiels : gestes spontanés, hors de l’emprise des conditionnements, œuvres d’autodidactes et de marginaux auxquels aucun savoir n’a été dispensé, malades mentaux, mais aussi détenus, originaux, réprouvés…

C’est avant tout à « l’art des fous » que Dubuffet s’intéresse, après avoir pris connaissance des recherches du Dr. Prinzhorn (1886-1933), historien d’art et psychiatre allemand. En 1922, celui-ci édite Bildnerei der Geisteskranken (Expressions de la folie), dans lequel il explore la symbolique des malades mentaux à travers les manières qu’ils mettent en œuvre pour exprimer leurs émotions : par le verbe, l’écriture, le dessin, la création d’objets… La vision de Prinzhorn se démarque de celle de ses contemporains : pour lui, ces actes créatifs sont les vestiges de la part restée saine de leur esprit et non les marques de leur démence. Une révolution qui marquera durablement le monde de la psychiatrie. Prinzhorn constituera une importante collection d’œuvres d'aliénés. D'autres avant lui avaient porté leur attention aux dessins des patients psychiatriques : après la création du premier musée d’art pathologique par le Dr Auguste Marie, le Dr. Paul Meunier, alias Marcel Réjà, publie en 1901 dans La Revue Universelle L’art malade : dessins de fous, où il s’interroge sur la valeur et la particularité des manifestations artistiques des déments.

Adolf Wölfli

Un autre ouvrage scientifique aura des répercussions importantes non seulement dans la sphère médicale, mais aussi dans le monde artistique : Ein Geisteskranker als Künstler: Adolf Wölfli, (Un malade mental en tant qu'artiste : Adolf Wölfli), écrit par le psychiatre suisse Walter Morgenthaler en 1921. Comme Prinzhorn, il n’assimile pas les actes créatifs des malades à la dégénérescence de leur esprit. Au contraire, il est persuadé qu’ils sont pleins d’enseignements sur le processus de créativité, moins bridé chez les malades que chez les personnes saines. Interné à l'hôpital de la Waldau, près de Berne, Wölfli (1864-1930) est un patient violent, diagnostiqué schizophrène. Il noircit de nombreuses feuilles avec des récits, des notes, des dessins, et parfois aussi des excréments. Suivi par Morgenthaler, celui-ci veille à lui fournir papier et crayons en suffisance car, outre ses objectifs thérapeutiques, il remarque chez son patient des qualités artistiques hors du commun. La production de Wölfli va s'organiser en différents cahiers qui compteront plus de 25 000 pages et dans lesquels il va s'inventer un personnage (St. Adolph II) et un univers bien à lui: "Du berceau au tombeau" sera suivi des "Cahiers géographiques et algébriques", des "Cahiers de chants et danses", des "Cahiers-albums de danses et de marches" pour se clôturer par "Marche funèbre". Dans ses dessins, colorés, foisonnants, d’une imagination débordante, il égrène formes géométriques, personnages, partitions musicales, fantômes, fleurs et autres éléments organiques de son cru, le tout dans une grande complexité... La rencontre de Jean Dubuffet avec l'œuvre de Wölfli sera déterminante car elle mènera au concept d'art brut précédemment décrit. En 2010, Baudouin de Jaer s'est attelé au décryptage d'une partie de ses partitions pour les retranscrire au violon après un imposant travail d'analyse (voir notre référence XW840R).

Dessins de Wölfli :

Quelques pistes discographiques

XW840R : Wölfli/Baudouin de Jaer : The Heavenly Ladder

Adolf Wölfli est l'un des grands représentants de « l'Art Brut », dénomination que Jean Dubuffet utilisa pour qualifier ces artistes totalement autodidactes, reclus chez eux ou bien internés dans des hôpitaux psychiatriques. Le petit livre-CD édité par Sub Rosa offre ainsi, en plus d'une petite parcelle des 25 000 pages écrites et dessinées par Adolf Wölfli, un décryptage et une analyse de ses compositions par le violoniste belge Baudouin de Jaer. La musique est écrite sur des portées de 6 lignes, pratique singulière, et en deux passages sur une même portée. Lors du deuxième passage, Adolf Wölfli venait intercaler d'autres notes, la queue vers le bas. Ce système de notation lui permettait ainsi de gagner beaucoup d'espace (on comprend mieux quand on sait que la grande inquiétude d'Adolf Wölfli était de manquer de papier). Pour qualifier ce travail, Baudouin de Jaer parle de « marches tressées ». Adolf Wölfli semble avoir en effet copié des partitions tirées d'un livre de réduction de marches pour piano à quatre mains, mais, par sa méthode, il les éloigne de leurs modèles d'origine. Il a aussi composé en s'aidant d'un cornet de papier en guise de trompette. Le CD audio nous donne ainsi à entendre, au violon en solo, « une musique contemporaine au résultat contrapontique unique », pour reprendre les mots de Baudouin de Jaer. (Commentaire PointCulture)

HD7891 : André Robillard : « Sait-on jamais la vie »

Dès ses sept ans, André Robillard a montré des signes de maladie mentale. Il a fait sa scolarité à l’école dépendant de l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais. Plus âgé, il n’a pu s’intégrer à la société et a été interné à l’hôpital à dix-huit ans. Il y passera sa vie entière, à s’occuper de menus travaux de jardinage et de blanchisserie. Pour récupérer les objets usagés, il fabrique des fusils avec de vieilles ampoules, des boîtes de conserve, des morceaux bois, de vieux tissus… Robillard aime aussi ce qui vole : spoutniks, avions, fusées viennent augmenter son répertoire. Son psychiatre décide un jour d’envoyer quelques-unes de ses créations à Dubuffet, qui les incorporera à sa collection d’art brut.

Cet enregistrement mêle des chansons revues par Robillard, des airs d’harmonica et autres bruitages de son cru, avec des extraits de l’interview de ce personnage cocasse et touchant à la fois. (Nathalie Ronvaux)

X 573O : Musics in the Margin/Musiques en marge

Si l’art brut élargi à ses nombreuses déclinaisons résiste à toute entreprise de définition, bien qu’on en cloisonne les œuvres par l’usage de formules souvent inappropriées (art brut, art hors-normes, art outsider, art différencié, [...], etc.) la musique « brute », si peu qualifiable, souffre dans le même temps des catégorisations. Or, ce problème de définition se révèle moins lié à des catégories formelles qu’à des contextes de création. Il s’agit moins de définir un genre musical qu’une catégorie particulière de la création plus ou moins délimitée par des aspects sociologiques, anthropologiques, voire psycho-médicaux. […] Ce malaise de définition porte en définitive non pas sur l’œuvre mais sur… l’artiste. En ce sens, il n’y a ni art ni musique brut, singulier ou différencié mais seulement un art d’individus dits singuliers ou marginaux/marginalisés.

C’est probablement ce qu’a souhaité mettre en exergue le label belge Sub Rosa, en consacrant une collection, Musics in the Margin, à quelques productions hors normes. […] (Sébastien Biset, extrait du texte Musiques en marges paru dans détours n°9 : La folle échappée, février 2013, pp.22-23)

ED9062: Jean Dubuffet : Expériences musicales

Le peintre, sculpteur et plasticien Jean Dubuffet devait, en 1961 et de nouveau en 1974, se livrer à toute une série d'expériences musicales à partir d'un attirail d'instruments de toutes origines, d'objets sonores et d'enregistrements sur bandes magnétiques ; faisant table rase de toute imprégnation culturelle, Dubuffet induit une posture d'écoute affranchie des conditionnements et, comme pour la manière de regarder, invite à une perception auditive du monde entre les lignes, entre les codes. Aucun paramètre musical n'a droit de cité au cœur de ce chaos cosmique où l'homme affronte sans médiation le " grand vacarme " de l'univers. Lassé de toutes les musiques pour lesquelles, autrefois, il éprouvait de l'intérêt, il cherche une nouvelle innocence, un contact sans mode d'emploi avec le monde sonore. Le CD présente sept plages inédites et accompagne un livre de 230 pages commentant, illustrations et documents à l'appui, toute la démarche de Dubuffet, son contexte ainsi que le contenu de l'enregistrement. (Jacques Ledune)

Pour aller plus loin

Collection de l'art brut Lausanne

Fondation Adolf Wölfli

Creahm

Nathalie Ronvaux

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