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Focus

Considérations sur le métier d’artiste – Rencontre avec Pierre Gerard et Pol Pierart

Petites et moyennes entreprises
Les trois hommes qui exposeront à l’Émulation dans les semaines à venir affichent un point de vue exalté sur le métier d’artiste. Entreprendre par nécessité, faire de l’art avec dévouement sinon rien. L’entreprise est grande, pour ne pas dire absolue.

Jusqu’au 20 octobre, la Société libre d’Émulation à Liège réunit trois artistes de la Province autour d’une exposition : Pierre Gerard, Pol Pierart et Denis Verkeyn. Ils ont été regroupés sur base des points (de vue) communs qui les relient. D’abord, l’envie de diriger le regard du spectateur vers l’inattendu en utilisant le résidu (matériel ou issu du langage) en guise de stratagème. Ensuite, le choix d’images ou d'objets, sélectionnés tantôt pour leur fragilité, tantôt pour leur côté insignifiant en vue de les ériger au statut d’œuvres d’art. Finalement, leur compréhension assez semblable du métier d’artiste et plus largement de l’art, ce qui rend la rencontre entre leurs productions plastiques d’autant plus sincère et touchante.

Petites et moyennes entreprises est le titre choisi pour l’exposition. Intriguant certes, avant tout engagé, il dissimule subtilement l’ironie qui caractérise le travail de l’un et de l’autre aussi bien que la nature de l’investissement que chacun injecte dans sa pratique artistique. Pratique qui est bel et bien une entreprise, au sens propre du terme ;  il suffit d’échanger quelques mots avec Pierre et Pol pour comprendre qu’à leurs yeux, celle-ci confine au don de soi.

« J’ai été en Papouasie, j’ai touché à la poésie, je vous souhaite de ne jamais être poète. » — Erik Satie

L’entreprise est colossale, elle ne concerne pas que l’exposition en cours, elle va bien au-delà puisque les deux artistes entreprennent leur métier d’artiste à bras-le-corps. Passionnés, il semblerait que leur pratique ait basculé du statut d’activité professionnelle à celui de nécessité impérieuse, comme le dit très justement Pol. De fait, c’est un point de vue presque romantique sur l’artiste et son travail qui habite les deux hommes. Ils le décrivent marginal, solitaire et isolé, paradoxalement indissociable d’autrui puisque nourrit par ce dernier. Un artiste désenchanté (et à la fois amusé) face aux multiples réalités d’un « monde pourri » et qui finalement n’a d’autre choix que de créer.

"J’ai été au Forem, on m’a demandé : combien d’heures par jour travaillez-vous à votre activité artistique? C’était une époque durant laquelle je travaillais énormément. J’ai répondu : sept à huit heures. On m’a répliqué : vous n’en vivez pas ? Lorsqu'il boulote huit heures par jour, un indépendant a de l’argent à la clé. Nous (les artistes), on boulote mais ça peut finir dans un grenier si on n’a pas d’acheteur. C’est comme si on avait une boulangerie mais que personne ne rentrait dedans. Le travail n’est pas conséquent d’une rentrée d’argent, c’est ça qui est très compliqué là-dedans. " — Pierre Gerard

Lorsque Pierre et Pol évoquent les situations face auxquelles ils sont confrontés au quotidien, le malaise est perceptible. Selon eux, l'augmentation des pratiques artistiques dans une société où tout le monde peut se proclamer artiste entraîne forcément une perte de valeur du métier dans l’imaginaire collectif. Elle participe également à la difficulté qu’ont les gens d’envisager le travail d'artiste comme une activité fondamentale, presque vitale pour ceux qui s’y adonnent totalement. Au manque de reconnaissance que leur témoigne la communauté dans laquelle ils évoluent, s’ajoute un autre problème souligné par les deux hommes (allant de pair avec le premier), la difficulté d’obtenir des financements. Ce n’est pas un scoop, l’aide aux artistes est très limitée en Belgique et les multiples conditions exigées pour obtenir le très recherché statut d’artiste sont souvent difficiles à réunir.

Pierre Gerard - Image volée

© Pierre Gerard

Quant à l’exposition en elle-même, Pierre et Pol la présente comme une rencontre et une tentative de communication entre trois individualités, avec pour moteur, l’idée de résidu. Déchets, restes, objets de récupération trouvés en rue ou dans un coin de leur tête sont mis en dialogue, offerts au regard du spectateur pour lui proposer un autre point de vue, nouveau cette fois. Car c’est aussi le rôle de l’artiste que de développer une sensibilité différente et de créer, pour aiguiser le regard, l’attirer, où d’instinct, il ne s’aventurerait pas.

Petites et moyennes entreprises n’est donc certainement pas un titre quelconque. Bien sûr, il nous parle des œuvres qui façonnent l’exposition mais au-delà, il signifie également une certaine acception du métier d’artiste et de son rôle, fragile, à l’instar de leurs productions, « tel un coquelicot (…), si on le cueille, il fane ».

 

Alicia Hernandez-Dispaux


Site web : http://www.emulation-liege.be/fr/section/Beaux-Arts_2-1.html

Du 20 septembre au 20 octobre du mercredi au samedi de 14h à 18h.

Entrée libre.

Maison Renaissance de la Société libre d'Émulation,

Rue Charles Magnette 9, 4000 Liège.

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