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Focus

CASTII : un fablab social à Molenbeek

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En trois ans, le projet CASTII, soutenu par iMAL, aura réussi son pari de mettre à disposition des maisons de quartier molenbeekoises un fablab avec une offre ciblée d’ateliers pédagogiques. Nous avons rencontré Anouk Jurdant, médiatrice culturelle et animatrice, co-responsable du projet.

Sommaire

Fablab social

Un fablab, dans les mots d’iMAL, est un espace de fabrication où toute personne (artiste, designer, ingénieur, développeur, bricoleur, étudiant, citoyen), quel que soit son niveau de formation, peut venir expérimenter, apprendre ou fabriquer tous types d'objets (objet artistique ou design, objet interactif, objet technique, prototype, etc.). En pratique, l'idée prévaut que le fablab est un lieu réservé aux entrepreneurs, aux férus de la technique ou aux pros du marketing. Pour briser les tabous et ouvrir les accès, le concept engage un travail de prospection, mission qui définit le travail d'Anouk Jurdant et de Leila Meziane. Toutes deux viennent avec un bagage d'artiste et de pédagogue, et ce n'est nullement un hasard que ce ne soit pas là le niveau d’expertise attendu au sein d’une structure de ce genre, fût-elle destinée à accueillir un public de non-initiés.

Il y a 20 ans, dans les maisons de quartier, on disait : il faut des grands frères. Des hommes respectés, pour attirer les petits frères. De cette façon, on entretient un système qui continue à exclure les femmes. L’idée c’est donc d’arrêter de faire du communautarisme et de travailler tous ensemble. Est-ce qu’il a fallu être un homme pour fabriquer cet objet ? L’exemple vaut mieux qu’un long discours. — Anouk Jurdant

Avec de tels présupposés, rien n’est impossible. Concevoir un kicker, monter des tabourets avec des matériaux de récup, produire des clés pour la future expo de La Fonderie, susciter de l’intérêt auprès des adolescents et des formateurs, faire travailler ensemble des enfants et des adultes, proposer une expérience d’immersion linguistique pour des personnes ne maitrisant pas le français, en un mot, élargir le concept du fablab pour en faire un instrument de cohésion sociale, ou peut-être, plus simplement, tirer le meilleur parti d’une formule idéalement pensée en faveur du plus grand nombre.

Constitution du projet

Lancé en 2016, Castii (Center for Arts, Sciences, Technologies, Innovations and Inclusion) participe des grands travaux de développement d’iMAL (interactive Media Art Laboratory). Dans son ambition de créer dans la zone du canal un pôle international autour des cultures numériques, des arts, des sciences et des technologies, le centre basé à Bruxelles signifie sa volonté de se mettre au service des artistes et des créateurs, mais aussi des populations locales, bénéficiant à ce titre du soutien de la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre de la programmation FEDER 2014-2020.

Dans cette optique, iMAL prend contact avec la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek, qui lui cède un local. S’y installe le FABLAB’KE, un atelier destiné aux enfants, piloté par Julien Leresteux et Philippe Jadin. Castii se met en place dans la foulée à côté de MOVE asbl, association para-communale proposant de multiples services de soutien à la population (services juridiques, maisons de quartier, accompagnement des primo-arrivants et cours de français, cohésion sociale, etc.). Dans un premier temps, Leila et Anouk vont au-devant des associations proches pour leur proposer des partenariats ou des ateliers pour leur public et leurs formateurs. L’enthousiasme rencontré auprès des opérateurs de terrain rendra bientôt toute prospection superflue.

La technique par la pratique

Aucun atelier ne ressemble à un autre. Objectif, échéance, rayonnement, mise en œuvre : les variables sont infinies. À tel point que le travail d’Anouk consiste pour une grande part à imaginer des solutions aux problèmes qui se présentent. Existe-t-il une meilleure façon de montrer qu’elle n’occupe pas la place de celle qui sait, mais que, jouant le jeu du collectif, elle est là pour apprendre, avec les autres, faisant corps avec la dynamique commune.

Je leur montre qu’on est tous au même niveau, que ce n’est pas réservé aux professionnels, aux experts. La preuve, il y a deux semaines je découvrais cette machine et regardez ce que je sais faire maintenant. Eh bien pour en arriver là, il ne faut pas être surdoué. Quand ça devient plus complexe, je reprends ma casquette de médiatrice culturelle, je décortique le produit pour faciliter son accès. — Anouk Jurdant

Le travail différencié que génère immanquablement un atelier de ce type se négocie avantageusement à l’aide d’une série de tutoriels, élaborés par les soins d’Anouk, tout un jeu de fiches qui renvoient aux diverses machines dont la manipulation requiert évidemment quelques explications préalables, assorties de fréquents rappels. La méthode est pensée pour que le groupe apparaisse comme un moment d'échanges et d’émulation, une force constructive dont aucun obstacle ne pourrait compromettre la puissance d'invention.

Fluide et mobile, Castii a su faire de sa légèreté un atout. Aucun problème n’est insurmontable, l'ingéniosité et l'extrême adaptabilité de l'équipe en est la meilleure preuve. Si le fablab n’est pas libre, on emporte les machines ailleurs, un chariot étant prévu à cet effet. Pour des commandes plus ambitieuses requérant des compétences et du matériel de professionnel, des artisans de proximité sont mandés en renfort contre une rétribution symbolique, la notion d’enrichissement se déplaçant vers le relationnel. Dans leur déploiement toujours un peu chaotique, de telles collaborations donnent de la substance au projet citoyen en montrant qu’il ne tient pas entre quatre murs et qu’il ne se limite ni à un petit groupe de personnes ni à un laps de temps précis. Pour marquer les esprits, une rencontre avec un métier ne doit pas aller jusqu’à susciter des vocations. La fréquentation d’un menuisier, d’un designer, offre la chance d’entrevoir les processus complexes qui se nichent dans les choses les plus banales, des mécanismes dont certains peuvent être pris en charge par des machines, tandis que d’autres se réalisent encore à la main.

À Molenbeek

C’est aussi une nouvelle approche du territoire qui découle de ces excursions et rencontres. D'emblée, La Fonderie s'est inscrite dans ce mouvement de mise en évidence et de ralliement. Le Musée de l'Industrie et du Travail, toujours soucieux d’inscrire les habitants de Molenbeek dans l’élaboration de sa programmation, ne s’est en effet pas fait attendre pour nouer des partenariats avec Castii. En tant que lieu de mémoire, La Fonderie contribue à établir un lien entre le présent et le passé, les technologies de pointe portées par le fablab et les usages anciens dont le musée garde la trace bien vivante.

Dans ce qui se crée au fablab, l’aspect immatériel l’emporte sur les bénéfices concrets. La réalisation d’un objet ne fait que donner forme aux valeurs qui interviennent dans sa conception, lesquelles se retrouveront, on l'espère, dans son usage. À Castii, on récupère, on recycle, on fabrique du durable, du réparable et du reproductible puisque, selon la charte des fablab, tous les plans doivent être mis en ligne. En dehors du matériel, on crée du lien. Anouk insiste sur ce point, l’atelier peut n’être qu’un prétexte. Le fait d’élaborer une œuvre commune sert non seulement de liant social, mais plus encore, c'est un formidable instrument de décloisonnement. Ainsi ce projet mené avec un groupe de réfugiés en collaboration avec SAMPA, (Service d’accompagnement des primo-arrivants de Molenbeek). Pour des participants parlant mal le français, ce fut l’occasion de s’immerger, d’apprendre par la pratique, dans le feu de l’action plutôt qu’assis sur une chaise.

Il n’y a pas que le formatif et le scolaire, il y a vraiment d’autres choses. Avec les primo-arrivants, on leur offre la possibilité de vivre une expérience inédite. Apprendre, créer un objet, utiliser certains outils pour la première fois, et ensuite offrir un objet que l’on a fabriqué soi-même, c’est déjà apprendre le français en pensant à autre chose, par un travail manuel qui porte ses fruits. — Anouk Jurdant

La boîte à outils

En octobre 2019, Castii prend fin, laissant place à de nombreux outils accessibles tout comme à l’éventualité de voir réapparaître un jour un projet similaire qui en serait la continuité. Les tutoriels sont actuellement en cours de finalisation. L’équipe réfléchit aux modalités de la mise en ligne, un classement par degré de difficulté, types de public, etc., et un téléchargement ou consultation / location via le fablab iMAL. Une boite reprenant tous les outils physiques élaborés par Anouk devrait se trouver dans la bibliothèque du futur iMAL qui ouvre ses portes en novembre. Enfin, le Fablab'ke s’agrandit lui aussi, et ouvre un petit cousin du côté de la Gare de l'Ouest, dans le cadre d'un plan de réaménagement de la ville.

La boite à outils est désormais en ligne : cliquez ici


Texte : Catherine De Poortere

Photos : © CASTII


Liens

Anouk Jurdant est médiatrice culturelle et animatrice - MOVE asbl pour le projet CASTII (feder)

CASTII

Fablab'ke

Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek

MOVE asbl

SAMPA et autres services sociaux à Molenbeek

iMAL

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