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Focus

Aux sources de l'oralité : 3 questions

colloque Aux sources de l'oralité
Pour son anniversaire, la Fédération de conteurs organise un colloque : sources et actualités de l’oralité. Bernadette Heinrich, administratrice, répond à nos trois questions.

- PointCulture : À une époque qui se gargarise de hautes technologies, du tout numérique et des fake news, d’intelligence artificielle, quelle est la place de la tradition orale ? Où se niche-t-elle concrètement ? Est-elle vive ou en état de « conservation » (comme une sorte d’objet muséal) ?

Bernadette Heinrich : La tradition orale ce sont les légendes, les mythes, les contes, les histoires, nos comptines d’enfance, tout ce qui façonne ou a façonné nos imaginaires. Sans elle on n'est rien, on est vide. Des humains sans racines, sans mémoire, sans corps, car cette tradition s’inscrit au plus profond dans nos sensations; elle nous relie, nous rend vivant, comme le signale la marraine de notre colloque, Laurence Vielle : « il y a entre nous des mots (…) qui font vibrer l’air entre toi et moi touchent ma peau il y a entre nous cette parole qui fait chair et nous enfante chaque fois qu’elle nous traverse ».


- L’actualité de l’oralité ne correspond-elle pas à une fracture entre Nord et Sud ? Entre l’Occident « hyper moderne » et une grande partie du monde restée plus proche de ses savoirs traditionnels et des sources de ses imaginaires ? Face aux problématiques de la société néolibérale qui souffre de sa perte de sens, l’oralité et ses connexions aux savoirs vernaculaires, peut-elle apporter des solutions ? de nouvelles perspectives ?

Je parlerais de la tyrannie du profit et de la rentabilité à outrance qui écrase tout sur son passage, y compris effectivement les peuples qui vivent encore en lien avec la sagesse de la terre, le respect du vivant et préconise un monde non mercantile ouvert au souffle de l’univers (pensons aux Amérindiens d’Amazonie). Ces aspirations sont présentes au Nord et au Sud. Elles sont contenues dans l’oralité. Il est intéressant de constater que la tradition des contes et des veillées était très ancrée dans des peuples opprimés, dominés qui, là, trouvaient un espace de parole pour dire, avec des métaphores, toute leur aversion pour les puissants. Aujourd’hui encore cette parole-là est subversive car elle questionne directement le sens profond de nos vies, de la Vie. Il y a aujourd’hui tout le mouvement des femmes qui réhabilitent la figure de la sorcière persécutée, comme beaucoup de peuples indigènes, parce qu’elles / ils étaient porteurs d'une connaissance, d’un mode de vie, d’une manière de voir qui dérangeaient les puissants.


- L’oralité, c’est la parole, mais c’est aussi l’écoute ! Certaines formes d’écoute, lentes, attentives. Là aussi, dans une société de la vitesse, gavée de sons et d’images injectés en permanence par les écrans mobiles et leurs écouteurs greffés dans les pavillons, entretient-on assez la capacité d’écoute et d’entendre l’autre, le différent, la culture issue d’une autre oralité que la nôtre ? Constatez-vous un besoin de réapprendre l’écoute ?

Dans beaucoup de traditions, on ne conte que la nuit parce que précisément la nuit, on est plus fragile, plus proche des mystères de la vie, de la mort ou des dangers qui peuvent subvenir à tout moment. Cette pratique est un paradoxe. Le conte se raconte quand c’est la fin du jour, à un moment de relâchement mais, dans la nuit, ce moment nécessitera une attention, un éveil particulier. Dans cet état-là, on n’écoute pas avec le mental, on n’écoute pas d’une oreille discrète; tout le corps est en alerte et quand on évoque les monstres, les fées et ogresses, l'écoute est ancrée dans le corps et les sensations ; elle est de l’ordre d'un vécu. Aujourd’hui, il y a encore cette tradition d’occulter la lumière pour raconter. Comme le disait Pasolini, « la lumière des miradors, une lumière trop prégnante fait fuir les lucioles et nous aveuglent ». Oui, il y a une écoute particulière pour entendre, voir et pénétrer dans les mystères et la beauté du monde.

Questions : Pierre Hemptinne


Aux sources de l'oralité
colloque avec Bernadette Bricout, Boubacar Ndiaye, Regina Machado et Churla Flores
marraine du colloque : Laurence Vielle

Mercredi 11 septembre 2019
dès 9h (accueil 8h30)

Maison du spectacle - La Bellone
46 rue de Flandre
1000 Bruxelles


Et du jeudi 12 au dimanche 15 septembre 2019

festival du conte Chimères


festival Chimères
24 spectacles contés à Braine-le-Comte


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