- Yannick Hustache (PointCulture) : Vous avez dû annuler ou postposer des concerts, des représentations, des projections, tout un festival, fermer votre lieu au public… Pouvez-vous nous dire concrètement en quoi la pandémie de coronavirus a touché vos activités ?

- La situation début avril implique l’annulation d’une douzaine de concerts et DJ sets répartis sur six dates différentes, le report d’une des quatre grandes résidences annuelles touchant aux arts plastiques et d’une micro-exposition au Rayon, l’annulation sans report du festival Papier Carbone (représentant un de nos trois plus grands pics d’affluence annuelle en termes de public mais aussi d’artistes), le report de deux rencontres littéraires, la fermeture d’une exposition qui avait ouvert à peine une semaine avant le confinement et l’annulation des rendez-vous du ciné-club courant sur cette période (au nombre de trois pour l’instant).

Pour être tout à fait complet dans ma réponse, à titre plus personnel, je fais partie de deux groupes, dont un qui tourne beaucoup et compte plusieurs sorties à l’année. La Jungle, c’est quelque chose comme 400 concerts ces six dernières années, trois albums et de nombreuses sorties en vinyles, CD, en cassettes numériques. Il va sans dire que nous étions en flux tendu de concerts ces derniers temps et que nous ne comptions pas nous arrêter ni faire de pause dans l’immédiat. Nous en sommes à une vingtaine de dates annulées pour l’instant, et l’hécatombe n’est pas prête de s’arrêter. Certains concerts sont déjà reportés, beaucoup d’autres ne le sont pas. On passe à côté d’un paquet de très belles dates, et le bilan financier s’avère déjà catastrophique !

- Quand aviez-vous commencé à travailler sur les événements qui devaient avoir lieu dans les derniers jours et/ou les semaines à venir ? Espérez-vous les postposer, les remettre à plus tard ou devez-vous malheureusement en partie les annuler complètement ?

- Rémy Venant : Je travaille au Vecteur depuis 2012/2013. J’y ai débuté comme stagiaire en communication, puis comme chargé de communication, ensuite comme programmateur depuis 2015/16. Nous travaillons en équipe et en partenariat sur l’ensemble des événements courant de janvier à juin 2020 depuis neuf à dix mois : depuis mai/juin 2019.

Le Vecteur étant fortement identifié pour sa programmation musicale, il convient d’évoquer ici les différents cas de figure qui se présentent du côté des groupes invités : Lysistrata (France) pourra revenir, mais pas avant 2021, vu le manque de disponibilité des deux parties, Green Milk From The Planet Orange (Japon) ne planifient pas de nouvelle tournée européenne pour l’instant, Julie Doiron (Québec) reporte sa tournée à novembre et une nouvelle date est déjà confirmée avec notre équipe (ça fait au moins une bonne nouvelle, on ne l’aura pas volée), Hazel Atlas (États-Unis) ne pourra pas revenir en Europe avant plusieurs mois, Troy Von Balthazar reviendra peut-être cette année, sans garantie pour l’instant, on essaye pour décembre mais c’est l’inconnue, Greg Fox (États-Unis) annule toutes ses dates en Europe jusque juin, Tachycardie (France) et Tirikilatops (Japon) ne viendront pas à Charleroi cette année dans le cadre de Papier Carbone, leur concert est donc reporté à l’année prochaine.

« Interlude » : deux concerts PointCulture Charleroi / Le Vecteur

- Tout cela a bien évidemment un coût, implique des conséquences financières néfastes ? À quel point celles-ci sont-elles préoccupantes pour Le Vecteur ? Pensez-vous pouvoir vous en sortir sur vos propres moyens ou la situation risque-t-elle de nécessiter une aide extérieure extraordinaire ?

- Rémy Venant : Je ne peux m’exprimer à ce sujet vu la fonction que j’occupe au sein de l’équipe. Je passe le clavier à mon coordinateur dont relèvent ces compétences :

- Romain Voisin : Oui, on peut dire que le confinement a des conséquences financières négatives. La non-tenue de nos événements (concerts, vernissages d'expositions, etc.) entraîne un manque à gagner conséquent sur notre billetterie, nos rentrées au bar. Aussi, nous ne pouvons plus assurer nos locations ponctuelles aux associations (location à la demi-journée ou plus).

- Ici, durant ces premières semaines, nous avions peu d'événements prévus, la situation reste stable. Les annulations s'enchaînent malheureusement pour avril et mai. Des discussions commencent même pour juin. Dans tous les cas, les conséquences financières porteront sur tout l'exercice. Il est encore un peu tôt pour se prononcer mais si la situation devient alarmante, nous demanderons une aide extérieure. La Ministre Bénédicte Linard et ses équipes sont a priori en train de mettre sur pied toute une série d'aides pour le secteur culturel.

- D’autres franges de la population (sans domicile fixe, personnes âgées, personnes seules, etc.) vivent la crise actuelle de manière encore plus aiguë. Avez-vous pris vous-même ou avez-vous entendu parler d’initiatives du milieu artistique ou culturel pour venir en aide à ces groupes fragiles de la société ?

- Rémy Venant Nous n’avons pris aucune initiative similaire en équipe. J’ai effectivement lu plusieurs articles évoquant ce genre d’entraides, mais à ma connaissance, pas dans le secteur culturel.

- Au-delà de ses côtés handicapants ou inquiétants, pensez-vous que cette période de confinement forcé peut aussi déboucher dans votre cas sur des éléments positifs, par ex. dégager du temps pour prendre du recul, pour régler des chantiers en attente depuis très longtemps… ?

-Rémy Venant : Le confinement nous permet, entre autres, de nous focaliser sur l’ensemble de l’aspect rédactionnel de notre futur rapport d’activités 2019.

Cela impacte inexorablement la préparation de futures collaborations en résidence ou portant sur le festival Livresse 2020, notre rendez-vous littéraire qui se déroulera en octobre prochain à Charleroi.

- Comment avez-vous occupé ces premiers jours de vie confinée, qu’avez-vous écouté, regardé, lu ? Êtes-vous jusqu’ici très dépendants d’Internet, des contenus en ligne ou arrivez-vous aussi à « décrocher », à écouter des disques, lire un livre, jouer d’un instrument, etc. ?

- Rémy Venant : Ne plus me déplacer pour me rendre sur mon lieu de travail et la forte réduction de charge de travail due aux circonstances – et au télétravail qui en découle – me permettent de me focaliser également sur mes activités parallèles.

Rester connecté est donc indispensable, notamment pour avoir accès aux sources de travail, rester joignable, être réactif sur les reports de dates et se réunir en visioconférence plusieurs fois par semaine, ce qui porte ses fruits depuis le début du confinement.

Et j’ai enfin vu Parasite de Bong Joon-ho. Il était temps !

> site Le Vecteur

interview (par e-mail) par Yannick Hustache

Rémy Venant est à droite sur la photo de bannière.