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Focus

Arts, culture et confinement (20) : Bernadette Bonnier (Le Delta, Namur)

Bernadette Bonnier, directrice du Delta (Namur)
Le Delta et son équipe, en empathie avec la crise sanitaire, cogite l’état du monde et prépare le futur. En mijotant un programme culturel connecté aux enjeux de société. En s’orientant toujours plus vers la co-construction avec les citoyens et citoyennes. En espérant un changement de société.

- Pierre Hemptinne (PointCulture) : C'est particulier d'être mis à l'arrêt quelques mois après une ouverture tant attendue et préparée de longue date ! Comment votre équipe vit-elle cela ? Comment en parlez-vous entre vous ? Quelles mesures prenez-vous pour continuer le travail, faire avancer les choses malgré tout ? Quelles sont les priorités ? Quel type de travail effectuez-vous pour le moment ?

Le Delta à Namur

La première attention des équipes a été portée vers les artistes et le public. — Bernadette Bonnier (Le Delta)

Les programmateurs et programmatrices ont rapidement contacté les artistes pour discuter de reports et d’annulations. Les artistes se sont montrés très compréhensifs. Pour certains événements et spectacles nous envisageons des reports à la fin de l’été ou à l’automne. Pour d’autres, dont le Confluent Jazz Festival qui devait avoir lieu fin mars et qui est un temps fort important de la saison, tout a été annulé et l’événement sera reporté en 2021.

Nous venions d’inaugurer l’exposition consacrée à l’artiste américain Peter Saul ; cette exposition devait se clôturer fin mai. Nous étudions la possibilité de la prolonger.

Mais rien n’est facile car nous ne savons pas quand le confinement s’arrêtera et quel sera l’après-confinement ?

Le public a également été contacté. Nous avons proposé, soit un remboursement complet des places achetées, soit une conversion en bon cadeau de la valeur des places.

Le travail continue avec les équipes. Cela fait bientôt trois ans que la Province de Namur a instauré le télétravail et, donc, la plupart des collègues sont à l’aise avec ce type de travail. Pour ceux et celles qui n’avaient pas encore de matériel, le service informatique de la Province les a rapidement équipés. Nous communiquons donc par mails, par téléconférences, etc.

Nous avons aussi créé une rencontre quotidienne avec le public sur la page Facebook du Delta (#ledeltaalamaison) où le personnel propose un moment d’évasion culturelle.

Et nous travaillons à la préparation de la saison 2020-2021. Avant le confinement, nous avions décidé d’orienter le fil rouge de la nouvelle saison autour des notions de révolution, de résistance, de désobéissance… Aucun terme n’avait encore emporté l’adhésion de toute l’équipe. — Bernadette Bonnier (Le Delta)

Des groupes-projets se mettent en place via des conférences via l’interface Teams, et ce que nous traversons aujourd’hui obligera les équipes à orienter, ré-orienter les approches. Des moments de réflexion et de discussion s’initient…

- Quelle analyse faites-vous du surgissement de l'épidémie, de la crise sanitaire, du confinement ? Est-ce une parenthèse ? Ou le symptôme de quelque chose de plus profond, découlant du mode dominant de société, de son impact négatif sur la biosphère ?

- Je ne suis pas une scientifique, ni une experte… J’écoute, je lis les réflexions, les commentaires des penseurs, des intellectuelles, du monde culturel mais aussi de celles et ceux qui sont directement touchés par la situation, qui sont au chômage, dans la rue, dans les associations qui les soutiennent, etc.

J’espère très sincèrement qu’on ne repartira pas comme si rien ne s’était passé, que cette crise apportera, ou, au moins, amorcera un changement de société, de nouvelles manières de vivre-ensemble, un autre rapport au monde pour construire un système plus solidaire, pour la sauvegarde de la planète, etc., que la suite du coronavirus ne soit pas que financière ! Cette crise nous montre la fragilité de la mondialisation, de la croissance non-stop… Il nous faut retrouver des valeurs autres que seulement l’économique ! — Bernadette Bonnier (Le Delta)

- Quel « après » pour Le Delta ? Vous avez déjà une programmation sensibilisée aux enjeux de société. La crise actuelle vous encourage dans cette voie ? Elle vous inspire d'autres types d'action, d'autres initiatives, elle vous fait entrevoir d'autres urgences ?

- Le Delta a décidé, chaque année, d’orienter sa programmation autour d’un fil rouge, en lien avec les enjeux de société. Et cette crise nous encourage à continuer dans cette voie. Comme expliqué ci-dessus, celui auquel nous travaillons pour septembre 2020, devra tenir compte de questions qui deviennent de plus en plus criantes : la notion de « liberté » ou « des libertés », les inégalités, le consumérisme, la transition écologique, la crise migratoire, l’accélération (ou la décélération !), etc. – pour n’en citer que quelques-unes – et donner naissance à des activités engagées, réflexives, collaboratives, etc. Nous avons l’idée de créer un « QG » qui serait un espace d’accueil avec des dispositifs de médiation permanents et d’ateliers/rencontres. Cela se débat dans les équipes pour le moment.

- Beaucoup écrivent qu'il faut éviter un « retour à la normale » (entendez, la « normale » capitaliste, destructrice de l'écosystème). Des sociologues, des politologues, des juristes, des économistes, des philosophes... mais très peu parlent de culture ! Est-ce un oubli, un aveuglement ? Quelle serait la place de la culture pour penser un « après » à la crise sanitaire, penser des modes de vie en meilleures relations avec les autres espèces (ou même avec les virus !) ?

Imaginez le confinement sans pouvoir écouter de la musique, sans pouvoir lire ou regarder un film, un documentaire, sans pouvoir visiter virtuellement un musée, sans pouvoir prendre part à des débats d’idées… Impossible ! La culture est partout même si elle peut être considérée pour l’instant en seconde ligne vu l’urgence de régler avant tout la crise sanitaire. — Bernadette Bonnier (Le Delta)

Qu’est-ce que la culture ? Pour moi, cela a toujours été un investigateur d’esprit critique, un moteur d’idées nouvelles, un outil « d’éducation », de médiation, de réflexion citoyenne, etc.

De nombreux artistes contribuent à la crise par des prestations sur les réseaux, des e-festivals, des écrivains prennent la parole, Charles Kaisin invite le public à participer à une œuvre collective dont les fonds seront versés à l’hôpital Erasme, œuvre qui sera ensuite exposée au musée Kanal, etc.

La culture est donc bien présente et continue à interroger, à questionner, à contribuer au développement de cet esprit critique, dans l’objectif de créer des sociétés plus justes. Et ce sera encore son rôle demain.

- En confinement, quelles pratiques culturelles vous soutiennent, vous ressourcent, vous réconfortent, vous donnent des idées pour la suite ? Quelles lectures ? Quelles musiques ? Quels films ? Quels silences ?

Je relis des « classiques » dont La Peste de Camus ! J’écoute de la musique en travaillant, je lis ou j’écoute des chroniques, celles de Pierre Jourde dans Bibliobs, de Paul Hermant sur le site du journal Pour, de Pascal Goffaux sur la RTBF radio, etc., je redécouvre des émissions sur le site de la Sonuma, etc. Entre histoire et actualité…

- Quel sera le premier rendez-vous du Delta après confinement ?

Le Delta se veut, avant tout, un espace ouvert, un lieu de vie, d’échanges, de rencontres… Le premier rendez-vous du Delta sera donc de retrouver le public, les artistes, les collègues et partenaires et de co-construire ensemble de nouveaux projets où l’humain sera au centre.

> site du Delta



Propos recueillis (par e-mail) par Pierre Hemptinne, première semaine d'avril 2020

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