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Focus

Arts, culture et confinement (36) : Frédéric Maréchal du Centre culturel René Magritte (Lessines)

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À l'heure du déconfinement, et alors que l'on ne finit plus de mesurer les désastreuses conséquences au long cours du Covid-19 sur la vie culturelle, on a interrogé Frédéric Maréchal, directeur du Centre culturel René Magritte, après la parution d'un courrier signé par différents lieux de concerts de la Fédération Wallonie-Bruxelles, quant à un possible retour de la musique live.

- PointCulture : Quelles ont été pour vous les conséquences de la crise du Covid-19 pour votre personnel (administration, équipe de programmation et de diffusion, service bar, catering, logistique, équipe technique, personnel d’entretien…) et pour la gestion pratique d’un lieu sans activité depuis le 13 mars ?

- Frédéric Maréchal : On a mis une partie du personnel en chômage temporaire. On a géré l’urgence en reportant/annulant l’ensemble des activités. Et on a directement pensé à comment envisager une activité selon des modèles différents, selon des étapes supposées d’avancement de la maladie. Et là, on s’est vite rendu compte que la réalité d’un moment était vite dépassée. Certains en sont déjà à reporter des événements déjà reportés.

Nous sommes un centre culturel, pas uniquement un lieu de concerts ou de spectacles. Nous avons par la suite lancé aux environs du 20 avril une action de production de masques qui a mobilisé nos équipes (appel des gens en chômage), nos bénévoles et des citoyens de Lessines. On va arriver à 9000 masques. Nous allons lancer aussi un service de commandes et livraisons de produits issus des producteurs locaux. — Frédéric Maréchal

- PointCulture : Que comptez-vous faire en cas de prolongation éventuelle à moyen terme de l’interdiction des concerts ? Et/ou, dans le cas de figure où, quelque temps après une première relance timide de l’activité concerts, un nouveau retour au confinement et ses conséquences directes sur le monde du spectacle désormais bien connues est décidé ?

- Frédéric Maréchal : La seule attitude à avoir, c’est la réactivité. Envisager tous les cas de figure et pouvoir s’adapter très rapidement à ce qui est possible : en extérieur, en intérieur, dans les écoles, etc. Sans oublier le travail sur les résidences. Si on regarde devant soi, ce sera enthousiasmant. Si on compare à court terme avec ce qu’on aurait dû faire sans pandémie, ce sera frustrant. Mieux vaut donc ne pas se retourner…

Et aussi du côté de notre centre culturel, nous allons continuer nos missions alliant le social et le culturel. C’est logique que nous débordions du cadre initial de nos activités — tout en gardant un lien — pour répondre à des urgences de société. — Frédéric Maréchal

- PointCulture : Comment maintenir une offre de concerts « suffisante » et attrayante dans un contexte d’annulations massives et de reports indéterminés pour les artistes et les groupes habitués aux cycles de tournées internationales ? Comment envisager l’organisation d’évènements, tant les suites de cette crise sanitaire risquent d’impacter négativement l’offre de concerts pour plusieurs années ? Sans recettes bar et avec une billetterie volontairement bridée en-deça des capacités normales de remplissage, l’organisation de concerts ne risque-t-elle pas de devenir un gouffre financier dans un contexte déjà difficile ?

- Frédéric Maréchal : Ce sont là des écueils avec lesquels il faudra composer. Pour cela, il faut les anticiper et être créatif. Le milieu culturel, et notamment celui de l’organisation musicale, est un monde très créatif. Des solutions innovantes vont naitre et permettre de passer la crise en limitant la casse tant que faire se peut. Parmi tous les secteurs de la culture subventionnés, celui des musiques actuelles est celui qui est le plus dépendant des recettes propres (billetterie et horeca). Dans le cas présent, ça rend pour nous les choses plus délicates. Mais ça explique aussi la réactivité globale d’un secteur qui doit sans cesse innover et être performant.

J’ai une conviction personnelle : continuer des programmations sur le moyen et le long terme en pariant sur un retour à la normale ne doit pas être aujourd’hui l’attitude à avoir. Faire les évènements que l’on peut, avec les artistes disponibles et en travaillant au mieux les conditions de réalisation selon les contraintes, ça aboutira à de la qualité et du plaisir.

Mais il ne fait pas non plus se leurrer : une fois la maladie apprivoisée, il faudra des normes spécifiques au secteur, qui ne soient pas basées sur une distance sociale (incompatible avec l'expérience du concert).

- PointCulture : Les contraintes de sécurité et normes d’éloignement à devoir mettre en place ne vont-t-elles pas réduire l’expérience live dans les mois à venir, au mieux à des shows d’artistes locaux jouant « à distance » devant un public nécessairement clairsemé ? Et si l’on ajoute quelques autres dispositions obligatoires consignées dans le texte (plus de bar ou d’accès strictement limité, nombre de tickets disponibles en quantités limitées, port du masque, circulation strictement balisée…), comment maintenir ou réintroduire un peu de ce sentiment de plaisir si propre à l’expérience musicale live ?

- Frédéric Maréchal : Peut-être. Mais il faudra composer avec ce qui est possible et ce que la réflexion élémentaire dicte comme contraintes d’organisation. Et ça durera le temps que ça durera. Et là, je fais confiance à la nature résiliante de l’homme : nous trouverons tous un motif de réjouissance dans ce qui pourra être fait.

La désinvolture des débuts sur le mode « c’est une grippette » a laissé place aujourd’hui au catastrophisme du genre « c’est la crise de 29 » ou « c’est 1945 » pour le côté économique, ou « on ne vivra plus jamais comme avant », du côté sanitaire. Je pense que la vérité est au milieu. Dans l’histoire, on voit que quand une nouvelle maladie se propage de manière pandémique, elle fait des ravages au début et effraie. Et on trouve ensuite une solution pour vivre avec la maladie en société. Une solution qui repose, avec des proportions diverses selon les cas, sur un vaccin, un traitement, des mesures d’hygiène individuelles et sociales. La chose qui change aujourd’hui, c’est la vitesse à laquelle la maladie s’est répandue. Mais la réaction et les solutions sont également plus rapides.

Donc, je m’attends à ce que, même si on ne trouve pas un vaccin ou le médicament utile rapidement, nous apprenions à vivre avec le Covid. Et retrouver une activité sociale, culturelle, économique certes influencée, mais dans une certaine normalité. C’est impossible autrement.

Et la musique trouvera sa place.

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- PointCulture : Qu’attendez-vous à présent comme actions ou retours concrets du pouvoir politique par rapport à vos propositions ?

- Frédéric Maréchal : Qu’ils les lisent et examinent avec les experts scientifiques comment baliser le redémarrage du secteur. Et qu’ils intègrent au mieux ce qu’on propose en fonction des réalités qu’ils constatent : équilibre entre les autres mesures pour la société, évolution de la maladie… Et que cela se fasse à travers un dialogue avec les gens du secteur.

Je pense que tous les gens qui travaillent à la question, politiques et scientifiques de tous poils, font au mieux selon leurs possibilités et selon le contexte. La culture et plus particulièrement la musique donnent sans doute l’impression d’avoir été négligées jusqu’à présent. Mais reconnaissons que la musique actuelle en configuration debout, c’est probablement ce qu’il y a de plus compliqué à redémarrer et quelque chose de très logique à confiner.

Les réponses du politique — quels que soient les avis, les décisions sont prises par les politiques — risqueraient d’être mauvaises si elles ne sont pas assez concertées avec les gens du secteur. Là, c’est notre spécialité et nous devons avoir droit à la parole au même titre que les autres spécialistes. — Frédéric Maréchal

Je pense aussi que les mesures que prendront les politiques pour soutenir les personnes et les institutions en difficulté doivent être réfléchies et égalitaires : il faudra mesurer quel est le besoin réel de chacun pour sauvegarder les acteurs individuels et les structures. C’est un travail collectif, qui réclame honnêteté et solidarité. Si chacun exige de récupérer son manque à gagner, ça ne peut pas marcher.

Et je pense finalement que les mesures de soutien à court terme, même si elles sont cruciales, ne doivent pas voler la priorité à celles qui déboucheront sur une reprise : pour vivre, le secteur de la musique live doit fonctionner !

Le petit groupe que nous avons constitué, je pense, a la caractéristique de réunir des gens qui ont de l’expérience, qui sont représentatifs du secteur en FWB et qui ont une vue transversale et non corporatiste sur la question. C’est très important. Nos propositions ne sont pas des vociférations pour recommencer coûte que coûte une activité « alors que les autres peuvent ». C’est un ensemble de propositions de collaboration franche. Et j’ai cru comprendre que notre courrier a reçu un bon accueil politique.

Je terminerai aussi en disant que, quitte à aller à contre-courant d’un certain discours ambiant actuel, même si la culture est le dernier pan socio-économique abordé par le CSN, elle n’est pas l’oubliée traditionnelle et ancestrale de nos gouvernements en FWB. La Communauté met des moyens dans la culture. Le statut d’artistes, qui relève du fédéral, même s’il n’est pas parfait, existe et joue son rôle. Certes, il faudra lui trouver des compléments, mais imaginez un peu la situation des artistes aujourd’hui sans cette bouée qu’est le statut de l’artiste.

Et aussi, il y a, grâce aux aides mises en place au fil des trois dernières décennies, un joli réseau de salles et de festivals dans la partie sud du pays. Et c’est le même dans les autres domaines de la culture. C’est ce travail et ce financement qui doivent être sauvés, et, si possible, confortés.

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Interview (par e-mail) : Yannick Hustache


Centre culturel René Magritte

21, rue des 4 fils Aymon
7860 Lessines