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Focus

Marcel Lebrun : apprendre autrement, la classe inversée

Les 400 coups
Les outils numériques permettent d'envisager un nouveau modèle d'enseignement faisant le pari d'une plus grande autonomie de l'élève allant de pair avec une redynamisation de la classe fondée sur le partage des connaissances. Rencontre avec Marcel Lebrun, professeur, pédagogue et promoteur de la classe inversée.

Sommaire

Marcel LebrunMarcel Lebrun est docteur en Sciences, actuellement professeur en technologies de l’éducation et conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab (LLL) de l’UCL.

Il accompagne les enseignants dans la mise en place de dispositifs techno-pédagogiques à valeur ajoutée pour l’apprentissage. Il est à l’origine de la plate-forme Claroline dont il assure la responsabilité pédagogique au sein de l’équipe de développement. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les rapports entre technologies et pédagogies.


« L'idée essentielle de la classe inversée ne réside pas dans la médiatisation numérique des cours mais dans la volonté de retrouver du sens à la présence, à la rencontre entre les élèves et avec l'enseignant. — »

Un état d'esprit plus qu'une méthode particulière.

- En quoi consiste ce modèle de classe inversée ? Quelles en sont les possibles déclinaisons ?

Marcel Lebrun : La classe inversée s'inscrit dans une convergence de plusieurs courants qui agitent l'école depuis plusieurs années :

- celui des compétences à développer chez les élèves ou les étudiants. Des compétences de nature disciplinaire (liées aux nécessaires savoirs) et des compétences transversales comme l'esprit critique, le travail en équipe, la communication ...

- celui des méthodes davantage centrées sur l'apprentissage des étudiants. Une évidence pourtant loin d'être partagée. Notre langue française produit un amalgame entre l'enseigner et l'apprendre en autorisant l'expression "apprendre quelque chose à quelqu'un" alors que l'acte d'apprendre est l'affaire de celui qui apprend ("je ne peux apprendre à ta place" dit-on parfois).  L'acte d'enseigner viserait davantage à donner à cet apprenant des occasions d'apprendre ... pour qu'il puisse continuer à apprendre en autonomie toute la vie durant.

- celui des démarches d'évaluation avec des approches elles aussi moins centrées sur le seul et unique verdict de l'enseignant que sur le développement progressif de la capacité de l'apprenant de s'évaluer, d'évaluer ses pairs ... c'est un prix de l'autonomie.

- et finalement, celui du numérique non réduit aux seuls outils technologiques (censés nous émanciper voire nous libérer comme depuis l'invention des premiers outils) mais catalyseur d'une nouvelle culture, de nouveaux usages, de nouveaux comportements.

Le concept de "La classe inversée", et nous insistons pour le moment sur le caractère singulier voire un peu normatif de l'appellation, est un phénomène relativement récent. Il a été introduit sous le vocable de Flipped Classroom, il y a une dizaine d'années, par deux enseignants du secondaire en chimie, Jonathan Bergmann et Aaron Sams, de l'école Woodland Park High School, Colorado aux Etats-Unis. Non issue d'un quelconque décret ou d'une méthode préconisée par les sciences de l'éducation, l'idée initiale était d'agencer différemment les espaces-temps de l'enseignement et de l'apprentissage en proposant les leçons, sous la forme de vidéos, en dehors de l'espace-temps de la classe proprement dite et en utilisant ce dernier pour mieux accompagner les élèves dans leurs apprentissages. Une petite révolution si on considère que traditionnellement les leçons se font en classe (de manière ex cathedra) et les devoirs, considérés comme activités d'apprentissage, se font à la maison sans la présence de l'enseignant. Il y était aussi question de dynamiser les élèves peu enclins à écouter de longues leçons en classe. Nous avions résumé ce concept par un quelque peu provocateur "Lectures at home and Homework in class" dès 2011 sur notre Blog (un billet à propos de l'hybridation présence-distance dans la formation) après avoir écouté une conférence en vidéo (Utilisons les vidéos pour réinventer l'école) de Salman Khan, le créateur de la Khan Academy. C'est en 2012 que Bergmann et Sams publiaient leur livre Flip your classroom (adapté en français par l'appellation "Classe inversée") qui allait provoquer l'émergence du concept en francophonie et plus particulièrement en Europe. Depuis, et en quelques années, il a en effet connu un véritable engouement en France, en Belgique, en Suisse, au Québec ...

Calvin et Hobbes 2

C'est ici que se niche le caractère innovant de l'approche. Nous avons tous connu l'un ou l'autre enseignant pionnier qui nous faisait lire les notes de cours avant la séance proprement dite en classe ou en amphi. L'innovation, selon nous, s'installe lorsque l'idée initiale est diffusée, rendue publique, est adoptée par d'autres enseignants, se généralise à différents niveaux tout en se transformant, se banalise aussi. Sous l'impulsion de l'association française "Inversons la classe", diverses activités de mutualisation entre enseignants se sont ainsi mises en place : la semaine de la classe inversée (CLISE), le congrès (CLIC) … Les récents colloques et journées d'étude à son sujet démontrent son ampleur à la fois au niveau du nombre d'enseignants qui s'y intéressent voire s'y investissent : le CLIC est passé de moins de cent participants en 2014 à environ 200 participants en 2015 et à plus de 800 participants en 2016. Depuis, des thématiques "classe inversée" sont présentes dans nombre de colloques nationaux et internationaux. On se rend compte dans cette démarche spontanée que les enseignants eux aussi prennent en main leurs propres apprentissages sans attendre un hypothétique décret ou une formation continue aux effets incertains. La classe inversée, c'est un état d'esprit plus qu'une méthode particulière.

Un phénomène d'ampleur donc par le nombre de participants mais aussi par la variété des pratiques qui y sont présentées. On peut tracer un continuum entre des pratiques plutôt "centrées sur l'enseignant" (des cours virtualisés par le truchement de vidéos) et d'autres davantage "centrées sur l'apprenant". Le concept initial, originel, de la classe inversée que nous venons de présenter allait évoluer en élargissant en particulier le spectre des activités menées à distance : le seul "regarder des vidéos" peut-il être considéré comme une activité motivante et fertile en apprentissages ? En quelque sorte, la mise à distance de certaines activités, traditionnellement dévolues au temps de classe (comme la transmission des savoirs), invite à repenser les activités en présence qui à leur tour interpellent la nature des activités à distance en les contextualisant ou concrétisant davantage. Et si les élèves cherchaient eux-mêmes les savoirs ? Cet "effet boomerang" (porter certaines activités à distance dans l'intention de redonner du sens à la présence, les activités en présence invitant à leur tour à enrichir les activités à distance) conduit à considérer l'hybridation entre présence en classe et activités hors la classe dans une perspective dynamique. C'est ainsi que nous avons proposé, sur notre Blog dès 2014 et dans notre livre consacré aux classes inversées (Lebrun & Lecoq, 2015), une extension du concept initial de classe inversée en incluant dans la partie à distance (avant la classe proprement dite) des activités des élèves du type recherche d'informations, préparation d'un exposé ou d'un débat, construction par un groupe d'élèves d'un dispositif de formation à l'intention des autres élèves, etc. "L'apprenant actif" sortait ainsi de la classe pour s'alimenter intellectuellement dans les contextes (en particulier fortement marqués par le numérique et son attribut d'accessibilité aux ressources à la fois de connaissances et de pratiques). La classe inversée originelle s'étendait donc dans un concept plus large et pluriel que nous avons appelé "Les classes inversées" fertile en développement de compétences du XXIème siècle : chercher des informations, les évaluer, les critiquer, les communiquer, travailler en équipe, apprendre à apprendre toute la vie durant enfin.

Schema classes inversées 1

 

Comme nous l'avons annoncé, l'idée essentielle de la classe inversée originelle ne réside pas dans la médiatisation numérique des cours mais dans la volonté de retrouver du sens à la présence, à la rencontre entre les élèves et avec l'enseignant. Cette version initiale est ce que j'ai appelé le Type 1 de la classe inversée, il conduit le plus souvent de la théorie (par exemple, via des vidéos) à l'application (via des exercices d'application en classe). Dans l'extension que j'ai proposée, les élèves, seuls ou en groupe, en dehors de l'école ou dans des espaces spécialement aménagés dans l'école (les déjà fameux espaces d'apprentissage ou Learning Labs), explorent les contextes, se documentent et partagent ensuite, en classe, leurs trouvailles sous la supervision de l'enseignant, devenu accompagnateur d'apprentissage ou chef d'orchestre de son dispositif ; il va les aider à amener de l'ordre dans le désordre, à modéliser et à faire émerger des savoirs transférables au départ de leurs apports. J'ai appelé cette façon de faire, toujours construite sur l'hybridation entre présence et distance, le Type 2 de la classe inversée, elle conduit des contextes à la modélisation, voire la théorisation, un chemin finalement "inverse" du Type 1.

Schéma classes inversées 2

Dans mes recherches, j'ai aussi mis en évidence un mélange (le Type 3, cyclique) de ces deux premiers types qui conduit à un vaste panorama de pratiques qui m'ont convaincu du caractère pluriel des classes inversées : Type 2 d'abord (exploration des contextes, partage en classe, modélisation par l'enseignant), Type 1 ensuite (théories et modèles, application et transfert). Cette alternance entre contextes et concepts, entre savoirs et compétences, entre présence et distance … est proche du cycle de l'apprentissage expérientiel de David Kolb. Ces alternances ne sont pas à considérer en opposition (entre savoirs et compétences, par exemple) mais dans une systémique entre l'enseigner et l'apprendre.

« Nous constatons cependant une fossilisation des pratiques qui consiste à refaire la même chose qu'avant avec les nouveaux outils. Le tableau blanc interactif en est vite réduit à un simple tableau blanc voire un projecteur de diapos, les systèmes de vote (avec un boitier ou son smartphone ) à un outil pour deviner la bonne réponse parmi d'autres, les plateformes d'enseignement collaboratif se réduisent bien souvent à des dépôts de documents ... La stratégie pédagogique habituelle demeure : écouter ou se voir présenter par l'enseignant les connaissances à acquérir, déceler la bonne réponse attendue ... — »

Le rôle clé du professeur

- Ce modèle se développe-t-il pour faire face à un usage du numérique qui s’impose de facto dans l’enseignement ou a-t-il d’autres motivations, des racines plus anciennes ?

La ou les classes(s) inversée(s) sont souvent considérées comme "filles du numériques". Ce n'est qu'en partie vrai. En effet, comme nous l'écrivions ci-dessus, nous en avons toutes et tous rencontré des enseignants qui nous faisaient lire un texte avant le cours proprement dit de manière à rendre ce dernier plus vivant, plus intéressant, plus contextualisé. Il y en eut d'autres qui nous conduisaient par le dialogue à nous poser les questions dans un contexte donné et nous accompagnaient dans la construction des réponses (on pourrait penser à l'accouchement socratique). Pour ma part, dès 1972, un de mes professeurs en mécanique rationnelle (Nicolas Rouche) pratiquait déjà cette technique incitative à l'apprentissage actif. Sans négliger les travaux précurseurs de Célestin Freinet et les démarches pédagogiques de Joseph Jacotot, « le maître ignorant », rapportées par Jacques Rancière (1987), beaucoup d'entre nous ont ainsi déjà rencontré de tels pionniers audacieux dans leurs études. Bref, encore une fois, non pas une nouveauté mais une innovation par son extension (de l'école primaire au supérieur) et par sa transversalité (des cours de mathématiques aux cours de sciences souvent qualifiées d'humaines).

Calvin et Hobbes 3

Les outils numériques augmentent bien entendu l'empan des activités possibles et de la disponibilité des ressources de plus en plus facilement accessibles. Nous constatons cependant, dans cette seule approche instrumentale, une fossilisation des pratiques qui consiste à refaire la même chose qu'avant avec les nouveaux outils. Le tableau blanc interactif en est vite réduit à un simple tableau blanc voire un projecteur de diapos, les systèmes de vote (avec un boitier ou son smartphone ) à un outil pour deviner la bonne réponse parmi d'autres, les plateformes d'enseignement collaboratif se réduisent bien souvent à des dépôts de documents ... La stratégie pédagogique habituelle demeure : écouter ou se voir présenter par l'enseignant les connaissances à acquérir, déceler la bonne réponse attendue ... Au-delà de ces aspects fonctionnels (nécessaires mais pas suffisants), le numérique, comme tous les outils que nous fabriquons depuis la nuit des temps, ouvre de nouveaux espaces de liberté, d'autonomie (le fameux "do it yourself"), des lieux de potentielle émancipation. Le numérique, ainsi devenu substantif, c'est une question culturelle de rapport aux savoirs et de rapports aux autres dans un champ de plus en plus ouvert, de plus en plus horizontal. Notre société devient dans ce sens de plus en plus numérique que ce soit en matière économique, de loisirs, de santé. Et il ne s'agit pas là seulement de ressources ou d'outils disponibles : en médecine, des équipes accompagnent de plus en plus le patient dans la prise en charge de sa propre santé (patient oriented medicine). L'école doit préparer les jeunes, qui seront au travail dans 5 ans ou 20 ans, à cette société dont les modes de fonctionnement, en changement rapide, sont encore hors de portée des futurologues. La classe inversée (les classes inversées) y prépare sans doute mieux qu'un enseignement normatif fondé sur des critères de l'ère industrielle : mémoriser et appliquer alors que les critères actuels, sans négliger les précédents, seraient de l'ordre de l'analyse, de la synthèse, de l'évaluation et de la créativité.

« Question de cohérence : les futurs enseignants devraient être formés de la même manière que celle qu'on souhaiterait qu'ils pratiquent avec leurs élèves. — »

Une nécessaire réforme de l'enseignement

- Cette nouvelle pédagogie est-elle déjà d’application à certains endroits en Belgique ?

Tout en saluant les initiatives de nombreux pionniers qui ont décidé - et ceci de manière volontaire, émergente - d'inverser leurs cours, nous en sommes encore aux premiers balbutiements. Je dis souvent que les classes inversées constituent un phénomène précurseur des changements qui devront bien s'opérer un jour ou l'autre au niveau de l'éducation. En thermodynamique, un phénomène précurseur annonce un changement d'état : bien avant la solidification de l'eau en glace, il y a déjà ici et là des cristaux qui se forment, qui se propagent, qui disparaissent temporairement, réapparaissent ... annonciateurs de la glace qui va se former. En plus, il s'agit là d'un mouvement où la collaboration entre les acteurs, au national et à l'international est très visible (nous avons parlé de CLISE, La Semaine des classes inversées, en Belgique, en France, au Liban, au Québec ..., les "portes ouvertes" de la classe inversée).  

Dans mes multiples interventions sur le sujet, j'ai toujours été impressionné par le sourire de ces enseignants qui, bien loin de l'image de la classe "porte fermée", étaient enclins à partager leurs pratiques, à continuer à apprendre que ce soit via les réseaux sociaux ou lors des journées pédagogiques qui fleurissent à propos des classes inversées. Même si l'image de l'innovation est fortement galvaudée dans le langage courant, j'y détecte une panoplie d'éléments constitutifs de ce mouvement , disons-le, bottom-up : une vision personnelle, forte, porteuse de valeurs à propos de l'apprentissage (pour que les élèves puissent continuer à apprendre en autonomie), une vision partagée dans laquelle les compétences se nourrissent et croissent dans l'échange et l'apprentissage collectif (tour à tour, enseignants et apprenants), une volonté de s'ouvrir des espaces de liberté là où les "grognons" voient des freins et des résistances. Valeurs, compétences et ouvertures, voici bien des composantes de la motivation qui anime ces enseignants qui osent expérimenter l'école de demain. Expérimenter ? Non pas des apprentis sorciers mais des "chercheurs" qui s'informent, se documentent, passent à la pratique, analysent leurs résultats, en témoignent, les soumettent à la critique des pairs … que voilà aussi des éléments de développement professionnel volontaire bien éloigné des atermoiements de ceux qui attendent des certitudes pour déterminer et contribuer à l'avenir d'un monde de plus en plus complexe dans lequel leurs élèves évolueront. À ce sujet, il me paraît important de souligner le fait que la formation initiale des enseignants devra s'inspirer des mouvements ici décrits en quittant elle aussi le giron d'une formation seulement disciplinaire ou instrumentale. S'inspirer de l'isomorphie, en postulant que les futurs enseignants devraient être formés de la même manière que celle qu'on souhaiterait qu'ils pratiquent avec leurs élèves. Une question de cohérence et de connectivisation de la formation.

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« Quelques millénaires pour que chacun sache écrire, quelques siècles pour lire, une ou deux décennies pour assimiler le numérique : le temps presse ! — »

S'éduquer AVEC et CONTRE l'algorithme

- Dans le bouleversement des hiérarchies opéré par une telle réforme de l’enseignement, peut-on voir les prémices d’une possible remise en question des structures de la société, autrement dit, un projet politique ?

C'est bien un projet politique.  Pour comprendre ce point, il est nécessaire de prendre un peu de recul. Les grandes inventions, l'écriture, l'imprimerie, le numérique aujourd'hui ont chaque fois introduit dans la société des changements fondamentaux que l'on peut considérer comme des avancées vers diverses formes d'émancipation. Évidemment, ces avancées ne sont guère composantes d'un long fleuve tranquille ; chaque invention porte en elle un côté clair et un côté obscur (on le sait depuis le pharmakon de Socrate), ce dernier conduisant tout aussi bien à diverses formes d'aliénation. La mécanisation devait soulager le travail de l'Homme, elle l'a aussi asservi. Il y a des siècles le livre a contribué au développement et à la diffusion des connaissances, à l'avènement de la démocratie dans nos contrées, il transporta aussi hélas les pires ignominies d'appel à la haine. Les savoirs progressivement découverts depuis le milieu du millénaire précédent allaient conduire progressivement à la société actuelle. La science (au sens large) allait nous libérer de la tutelle des dieux qui déterminaient les malheurs et les bonheurs, l'agencement incontrôlable des événements. L'école emboîta le pas en proposant comme il se doit de former les humains à ces nouveaux modes de pensée tout empreints de déterminisme : les principes, les lois, les causes et les effets, la question et la réponse ... L'échelle temporelle est aussi importante : quelques millénaires pour que chacun sache écrire, quelques siècles pour lire, une ou deux décennies pour assimiler le numérique : le temps presse !

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Le numérique est vecteur de nouveaux rapports aux savoirs (de ceux délivrés par le sage, l'expert, le maître à d'autres directement accessibles, transmissibles, moins purifiés certes mais davantage ancrés dans les vécus) et de nouveaux rôles : avec les outils apportés par les technologies, nous voici devenus (potentiellement du moins) notre propre banquier (la gestion de nos finances), notre propre agent de voyage (pour organiser nos loisirs), notre propre médecin, parfois, et à nos risques ... Nous pouvons ainsi, potentiellement du moins, apprendre par nous-même. L'économie collaborative, la politique participative, l'apprentissage en réseau vont nous demander de nouvelles compétences qui transcendent les savoirs déifiés et cloisonnés. L'école doit munir les élèves et les étudiants de ces compétences en leur offrant ce terrain d'exercice qu'elles nécessitent : esprit critique, travail d'équipe, recherche d'informations, autonomie, créativité sont des incontournables de l'éducation de demain. Les classes inversées constituent un embryon de cette école pour rendre nos apprenants davantage capables de continuer à apprendre dans un monde où l'intelligence après la mécanisation s'artificialise. Je ne sais si nous allons vers une guerre des intelligences mais il est impératif de penser une nouvelle humanité numérique pour éviter notre asservissement à l'algorithme.

Pour ma part, j'y vois surtout une potentielle réconciliation du monde des idées, des principes, des modèles que nous avons quelque peu déifiés avec celui de la vie quotidienne, de l'expérience, de la pratique, une réconciliation du rationalisme et de l'empirisme à la redécouverte de l'humain. C'est, selon moi toujours, la grande chance que nous apporte le numérique. À nous de la saisir !


Questions et mise en forme : Catherine De Poortere


Illustrations :

Bandeau - Jean-Pierre Léaud dans Les Quatre cents coups, François Truffaut, 1959

Photo & schémas : Marcel Lebrun

Comics : Calvin et Hobbes, Bill Watterson



Lien recommandé :9 Amazing Benefits of Technology in the Classroom, Jen Miller (en anglais) : une présentation extensive des nombreuses voies de changement qu'ouvrent les nouvelles technologies dans les écoles lorsqu'elles y sont introduites avec discernement.


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