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Critique

ZHAO LIANG - COFFRET DVD

publié le

Difficile d’éviter les références faciles à Franz Kafka et à son « Procès » pour parler de ce film. Si l’adjectif kafkaïen renvoie simplement à quelque chose d'absurde, d'incompréhensible, « Le Procès », lui, se plongeait plus particulièrement dans […]

 

 

Difficile d’éviter les références faciles à Franz Kafka et à son « Procès » pour parler de ce film. Si l’adjectif kafkaïen renvoie simplement à quelque chose d'absurde, d'incompréhensible, « Le Procès », lui, se plongeait plus particulièrement dans les arcanes souvent ésotériques de la bureaucratie, et l’apparent arbitraire des institutions judiciaires. Zhao Liang a suivi pendant douze ans les victimes de cette complexité, il a ainsi filmé quelques-uns des nombreux pétitionnaires montés à Beijing de tous les coins de la Chine pour présenter leurs plaintes, généralement contre la corruption des pouvoirs locaux de leur région.

petitionCes plaignants s’entassent dans un bidonville installé à côté de la gare de Beijing, près des Bureaux des plaintes, et attendent un an, deux ans, quelquefois jusqu’à dix ans, que l’administration prenne en compte leur demande. Dans un pays qui n’aime pas qu’on lui rappelle ses défauts, ni ses erreurs, ces gens sont des voix que le pouvoir ne veut pas entendre; chaque nouvelle plainte mettant le doigt sur une nouvelle faille du régime, un dignitaire abusif, un officiel corrompu, un magistrat véreux. Les réclamations qu’apportent les plaignants sont de toutes sortes, de toutes importances, du paysan spolié de ses terres au propriétaire dont on a abattu la maison sans compensation, mais tous ont senti un jour la nécessité impérieuse de venir en demander réparation à la capitale, abandonnant famille, amis, travail, pour patiemment attendre leur tour, des années durant, et espérer une décision dont rien n’assure qu’elle leur sera favorable. Dans un renversement assez classique des valeurs, ces plaignants sont vus par les autorités comme des reproches et non comme des victimes. Ils sont en conséquence traités comme des critiques malvenues, et non comme la partie lésée dont les demandes seraient légitimes. Le film se concentre sur quelques-unes de ces personnes, et souligne leur étrange relation au pouvoir. Si certains se révèlent déçus et aigris, la plupart d’entre eux conservent paradoxalement une foi et une confiance inébranlable dans le régime et sa justice. C’est sur base de cette confiance qu’ils viennent ainsi défendre leur cas à Beijing, au mépris des menaces qui planent sur eux, en dépit des conditions de vie misérables qui seront les leur durant leur séjour, malgré les intimidations et les éventuelles violences auxquelles ils s’exposent. C’est en vertu de cette foi qu’ensuite ils s’obstinent, alors que tout le monde les croit fous ou bornés, alors qu’à l’évidence leur affaire n’avance pas d’un pouce malgré le temps qui passe. Portrait en biais d’une société chinoise qu’on sait en pleine mutation, le reportage souligne l’écart qui se creuse progressivement dans le pays entre les villes et la campagne, la capitale et la province, les nouveaux riches et les toujours pauvres.

Pétition, la cour des plaignants fait partie d’un coffret de trois longs métrages et trois courts-métrages qui présente l’œuvre de Zhao Liang, un des plus importants représentants, avec Wang Bing, de la « nouvelle vague » du documentaire chinois qui émerge à la faveur des nouveaux moyens vidéo légers et de l’autonomie qu’ils procurent, et témoigne des changements profonds qui bouleversent la Chine d’aujourd’hui.

Benoit Deuxant

 

 

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