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Critique

INAKANIN NO UTA

publié le

Pendant près de mille ans, les Biwa Hoshi, les « moines bouddhistes joueurs de luth », furent une image d’Épinal des campagnes japonaises. Ces musiciens itinérants, souvent aveugles, portant robes et tonsure monastiques, sillonnaient le Japon depuis […]

Pendant près de mille ans, les Biwa Hoshi, les « moines bouddhistes joueurs de luth », furent une image d’Épinal des campagnes japonaises. Ces musiciens itinérants, souvent aveugles, portant robes et tonsure monastiques, sillonnaient le Japon depuis le Moyen-Age. Ils offraient leurs services tant aux riches Samurais qu’aux pauvres paysans. Ils gagnaient ainsi leur vie en récitant des poésies épiques classique, comme le Heike Monogatari (un poème du treizième siècle narrant la victoire du clan Minamoto sur celui des Taira), en s’accompagnant au Biwa, le « luth en forme de poire ». Ils devinrent rapidement objet de légendes, et, comme beaucoup de moines itinérants, furent les héros de nombreuses intrigues et histoires d’espionnage. Si le public de ces musiciens se limite aujourd’hui de plus en plus aux campagnes reculées où le besoin se fait toujours régulièrement sentir à la fois de divertissement et de religion, la tradition des Biwa hoshi est toujours considérée comme un «  trésor national ». Néanmoins, s’il est reconnu comme un répertoire à conserver, peu de musiciens ou de compositeurs s’étaient jusqu’ici attelé à le perpétuer, et à le faire se développer.

Yukihiro Goto est une exception. Musicien depuis l’age de douze ans, il a successivement appris l’orgue, puis la guitare, avant de s’intéresser à la musique traditionnelle. Après avoir longtemps joué du blues, du rock et du folk, il va devenir le disciple d’un maître de Biwa, Yoshinori Fumon, dont un concert l’avait profondément impressionné. Il va ensuite développer un style personnel, ancré à la fois dans la tradition de sa province natale, le Kyushu, et dans ses nombreuses autres influences. Il présente avec cet album une vision épurée du satsuma biwa, une vision presque aride. Parcimonieusement accompagné par Akihito Obama au shakuhachi, Goto pose sa voix avec sûreté sur les envolées de son instrument, à la fois virtuose et spartiate. Semblable en cela aux interprétations qu’en donnait Kinshi Tsuruta, ou plus près de nous, Junko Ueda, le répertoire de la poésie épique japonaise est un équilibre délicat entre les effets de tension et de rupture violente du biwa, et le flux de la psalmodie. Si la voix de Goto n’a pas la rudesse et l’âpreté de celle de Kinshi, il ne donne pas moins une interprétation intense des pièces qu’il joue. Il montre que dans un répertoire aussi ancien, et aussi difficile, que celui du satsuma biwa, il y a encore une place pour l’exploration.

Benoit Deuxant

 

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