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Critique

Je suis moi quand je suis toi : « Tralala » d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu

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Une comédie musicale tournée à Lourdes en plein confinement avec Mathieu Amalric en chanteur de rue nanti d’un réjouissant syndrome de l’imposture.

Sommaire

« — Surtout ne soyez pas vous-même. — »

Chanteur de rue à Paris, Tralala (Mathieu Amalric) n’a aucun talent, aucun charisme, aucun succès. Sa voix ne plaît guère plus que sa musique gentiment naïve. Aussi les passants préfèrent-ils l’ignorer du moment qu’il ne gêne pas trop le passage. Un beau jour, ô miracle, son regard croise l’intense œil bleu d’une jeune fille. Le visage de madone lui sourit. Ils échangent quelques mots, s’installent à une terrasse. Avant de disparaître, elle laisse son compagnon sur cette parole : Surtout ne soyez pas vous-même.

L'homme qui m'a fait jouir trois fois

Ébahi, Tralala n’a désormais plus qu’une idée en tête, retrouver la jeune fille. Il file à Lourdes où, semble-t-il, l'inconnue réside. Aussitôt descendu du train, Tralala doit se rendre à l’évidence : la ville de la sainte Vierge recèle son lot de mystères. Dépossédé de son banjolele, seul bien et gagne-pain du chanteur de rue, il se voit offrir le gîte par une sympathique sexagénaire (Josiane Balasko) qui croit reconnaître dans ce vagabond à la physionomie hirsute un fils disparu quelques dizaines d’années auparavant. Bientôt, c’est toute la ville, hommes, femmes et enfants qui s’entend à célébrer le retour de l’enfant prodigue, Pat, chanteur passionnément aimé des femmes (Mélanie Thierry, Maïwen) et jalousé par son frère (Bertrand Belin). En toute bonne foi, Tralala accepte de rentrer dans le rôle de la star locale.

Lourdes, à moitié confinée, en plein été est devenu un décor de cinéma, presque un studio. — Arnaud et Jean-Marie Larrieu

Lourdes étant la ville natale des cinéastes, c’est sans ironie aucune que l’action du film se déroule dans l’enclave la plus religieuse des Pyrénées. Un retour aux sources qui n’a rien de triste, même dans les circonstances aggravantes d’une pandémie ayant pour conséquence de vider les rues.

Vite, quelques indices, si dans tes baskets tu veux que je me glisse.

Devant la caméra des deux frères, Lourdes reçoit un traitement jovial. Le lieu est sollicité tant pour ses dispositions spirituelles que pour son étrange population. Celle-ci se divise nettement entre les locaux, ceux qui restent, et les gens de passage, voyageurs et pèlerins sur lesquels se concentre la bonne humeur. Les curés sont des sages – et des épicuriens –, les nonnes font tournoyer leur robe, les malades goûtent le spectacle et applaudissent.

Une même candeur s’attache à préserver l’élan démocratique à la source du genre de la comédie musicale, dimension que le goût du show tend parfois à étouffer. Loin de viser le spectaculaire, la mise en scène montre que la danse et le chant appartiennent à la vraie vie. Cet élan collectif capable de transmuer maladresses et petits ridicules en une addition de gestes gracieux est le fondement de la poésie du réel qui traverse l’œuvre tout entière des cinéastes. C’est un usage de la forme qui fait avec ce que chacun peut y mettre, une beauté farfelue, tangible et dynamique.

Pour atteindre à un résultat qui mêle victorieusement le vérisme et la fantaisie, le douloureux et l’insouciant, l’espoir insensé et le rationnel, les cinéastes ont redistribué les cartes des talents de leur équipe en demandant à ceux qui savent chanter de jouer, et à ceux qui savent jouer de chanter. Ainsi, après avoir interprété la voix off dans Playlist, Bertrand Belin dé-chante à nouveau en jouant le rôle du frère du présumé de Pat / Tralala.

Au-delà du comique généré par l’inversion entre acteur / chanteur, le décalage est aussi une façon de réaffirmer la primauté du doute, de l’errance et des identités glissantes sur un fil de vie qui entrelace éléments de chance à saisir et renoncements. Quant à Mathieu Amalric, Josiane Balasko, Mélanie, Thierry, Maïwen, Galatéa Beluggi, etc, toutes et tous font donc de leur mieux pour ne montrer que leurs failles. Non qu'il s'agisse d'improvisations. Les chansons ont été dûment écrites par une poignée d’auteurs-compositeurs (Philippe Katerine, initatieur du projet, Etienne Daho, Jeanne Cherhal et bien entendu Bertrand Belin), les chorégraphies ayant fait l’objet d’un travail tout aussi aussi poussé.

L’objectif avoué n’est pas d’éblouir par une performance à l’américaine (Tralala, anti-La la land ?), mais d'orchestrer une fête spirituelle, de telle manière que tout le monde puisse s’en donner à cœur joie.

Soyez sage, soyez de passage.

Il n’y a rien de plus urgent que de faire la fête et il n’est jamais trop tard pour chanter. Une morale qui fait mouche en temps de pandémie, au même titre que le port du masque, accessoire vedette d’un film faisant l’éloge de la réinvention de soi. En prenant le contre-pied de l'injonction capitaliste « Deviens ce que tu es », les frères Larrieu font résolument l'éloge du vagabondage et d'un art de vivre qu'on pourrait baptiser (sans ironie aucune) : disponibilité aux miracles .


Texte : Catherine De Poortere

Crédits images : © Pyramide Films

Les intertitres sont des citations du film

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Sortie en Belgique le 06 octobre 2021.

Distribution : Athena Films


Agenda des projections

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En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes :

Bruxelles, UGC Toison d'Or, Flagey

Louvain-La-Neuve Cinescope

Liège, Le Parc, Sauvenière

Namur, Cinéma Cameo

Stavelot, Ciné Versailles

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