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Critique

RIVERS AND TIDES

publié le

SÉLECTION DU MOIS DE DÉCEMBRE 2007 DVD DU MOIS « La véritable œuvre est le changement. » Andy Goldsworthy

 

Arts paysagers

Tout d’abord, il y a ce long plan séquence: cinq minutes durant, une caméra se promène dans les couloirs d’une usine. Si le spectateur ne comprend pas immédiatement où l’on est, ni ce qui s’y fabrique (et ça n’a d’ailleurs aucune importance), le malaise le happe néanmoins, tellement ce couloir paraît interminable.

Manufactured Landscapes 1Accompagnant le photographe Edward Burtynsky en Asie, et plus particulièrement en Chine, la réalisatrice canadienne Jennifer Baichwal le suit dans les usines, les centres de tris des déchets, les chantiers de toutes sortes.
On apprend rapidement que 50% des déchets informatiques mondiaux sont triés et «recyclés» en Chine, d’une façon très sommaire et dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables, avec des répercussions sur l’environnement extrêmement inquiétantes: certaines nappes phréatiques sont déjà atteintes, les décharges grandissent de jour en jour.
Plus tard, l’équipe est sur un chantier naval: les travailleurs ne portent aucune protection pour charger et décharger les conteneurs, de même que la main-d’œuvre chargée de démonter les épaves racle le pétrole à la main, sans gants ni masques.

Sous ses aspects écolo, le documentaire Manufactured Landscapes donne l’occasion de (re)découvrir un grand photographe: ses images apocalyptiques sont superbes, d’une netteté et d’une précision hallucinantes (voir les plans très rapprochés de ces photographies dans le film). Edward Burtynsky parvient à rendre belles des choses choquantes, et ses photographies de déchetteries, de rivières polluées, d’épaves éventrées choquent d’autant plus qu’elles sont belles à voir! C’est d’ailleurs cette recherche esthétique qui lui permet de poser son objectif sur certains sites où les photos sont strictement interdites (soi-disant par arrêté judiciaire dans un premier temps, mais on apprend au fil de la négociation que c’est surtout par crainte d’une publicité négative).

Manufactured Landscapes 2
Suite logique de ses préoccupations écologiques, le photographe s’intéresse aussi de très près à l’industrialisation tardive et sauvage de la Chine: la construction du barrage des Trois Gorges soulève des problèmes humains en plus des problèmes environnementaux. Pour permettre le fonctionnement du plus grand barrage du monde (plus de 2300 mètres de long) afin d’empêcher les inondations, d’améliorer le transport et de générer de l’énergie, il aura fallu déplacer treize villes et leur 1,1million d’habitants. Le démantèlement de ces villes fait penser à des paysages bombardés.
C’est d’ailleurs cela qui intéresse Edward Burtynsky: il pose son appareil photo partout où l’homme crée des paysages artificiels. Comme il le rappelle en fin de film, nous changeons notre planète. Nous changeons l’air, l’eau, la terre. On doit se mettre à penser d’une manière toute différente.

C’est exactement ce que fait Andy Goldsworthy: depuis les années 70, le Britannique crée des œuvres d’art éphémères au cœur de la nature. Sculptures de bois, de glace, de pierres, l’artiste crée un art vivant tout en étant profondément respectueux de la terre (Je ne crois pas que la terre ait besoin de moi, mais j’ai besoin d’elle).

En travaillant sur les formes, les couleurs, mais aussi et surtout sur le temps, sa démarche artistique englobe l’ensemble des éléments qui l’entourent, les matériaux (bois, fleurs, feuilles, etc.) tout comme le vent, la pluie et les courants: arrivé à un endroit, il fait d’abord connaissance avec celui-ci avant de se mettre au travail.

Rivers and TidesAndy Goldsworthy était encore étudiant lorsqu’il commença à travailler en extérieur. Le contraste entre l’enseignement proposé à son école d’arts et celui offert par la plage, les vents et les marées le saisit au point qu’il ne cessera de travailler en plein air, apprenant la patience et l’humilité, se sentant déraciné lorsqu’il ne travaille pas au contact des éléments.

Rivers and Tides de Thomas Riedelsheimer suit cet artiste hors du commun lors de l’exécution de commandes au Canada, en France ou aux États-Unis ainsi que chez lui, dans le Dumfriesshire écossais. Là, on voit un homme proche de ses racines, proche de sa terre et de ses habitants; un homme respectueux du monde qui l’entoure, notamment les différents artisans avec lesquels il travaille, même s’il avoue volontiers que les gens le fatiguent. Un homme qui améliore le paysage sans jamais le dénaturer.

Catherine Thieron

 


L'Écossais Andy Goldsworthy est l'un des grands noms du petit monde du Land Art. Face à la caméra de Thomas Riedelsheimer, il explique son inspiration, sa quête personnelle, tout en façonnant et en construisant ses oeuvres singulières, d'une poésie et d'une beauté à couper le souffle.
Des plaines du Canada aux plateaux d'Écosse, en passant par la France et les États-Unis, on suit cet homme seul dans la nature qui compose patiemment à mains nues avec des matériaux tels que l'eau, la glace, la pierre, la fougère, les feuilles, la terre, les minéraux… des oeuvres étonnantes, autant par leur inventivité que par leur simplicité: un œuf géant fait de pierres plates ou de glace, des branches de bois enroulées dans un énorme nid que la montée de l'eau mène à la mer, un assemblage fragile de branchages, un tapis en tiges de fougères… Laissant au temps et aux saisons le soin de faire et de défaire ses installations toutes éphémères et mouvantes, Andy Goldsworthy construit son monde comme un dieu oublié des siens, en cherchant à capter et à reproduire quelque chose d'insaisissable, un mouvement, une énergie, un rayonnement. « Il y a un moment extraordinaire: quand l'œuvre devient vivante. C'est pour ces moments-là que je vis. » dit-il.
Le temps associé au changement est l'élément central du travail de l’artiste, que le rythme du film, composé en mini-récits de travail en train de se faire, épouse parfaitement, avec ses moments de tension et ses résolutions, ses instants de vie et de mort. Le cinéaste ne juge pas, il regarde, attend et enregistre discrètement, détaillant les obstacles rencontrés et les échecs. Il nous invite à observer l’œuvre, de sa laborieuse élaboration à son inexorable et naturelle dégradation. Le documentariste imite avec justesse le sculpteur dans son attention sensuelle portée aux éléments et rend ainsi perceptible l’univers de l’artiste obsédé par certaines formes. Paisible et méditative, sa caméra se fait caressante et fluide en suivant les courbes des installations souvent immobiles, ou emportées par le courant d'une rivière comme ce serpentin de feuilles ondulant au fil de l'eau. Le film a souvent l'aspect d'une balade contemplative, zen et sereine, accompagnée par la musique atmosphérique de Fred Frith. Andy Goldsworthy disserte avec sagesse sur ses créations, philosophe sur l'humain ou se transforme en metteur en scène, invitant son compère à participer à son oeuvre et à créer à son tour. Humble et humaniste, il donne une magnifique leçon de vie et d'art, sans jamais prendre un ton professoral.
Rivers and Tides est une expérience sensorielle, une invitation à se laisser surprendre par la nature, à « voir ce qui était toujours là, mais qu’on ne voyait pas ». La découverte de ce travail fascinant ne s'accompagne que d'un seul regret : ne pas être sur place pour ressentir pleinement la force des oeuvres. [retour]
Catherine Mathy

Note : Ce long métrage est en anglais sous-titré, tout le travail étant commenté par Andy Goldsworthy lui-même, ne dénaturant ainsi aucunement sa vision artistique.

 

 

DVD-ROM DU MOIS

 

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