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Critique

Hors-la-loi et renégats – « Sweet Thing », un film d’Alexandre Rockwell (2020)

Sweet Thing
Les aventures lumineuses d’une adolescente et de son petit frère.

Dans une petite ville du Massachusetts, New Bedford, une adolescente d’une quinzaine d’années, Billie, dont le prénom est un hommage à la chanteuse Billie Holiday, tente tant bien que mal de s’occuper de son petit frère Nico. Les deux enfants vivent avec leur père aimant et tendre, mais que l’alcoolisme rend imprévisible ; leur mère les a quittés, sans trop se soucier d’eux, et vit avec un autre homme dont elle est aveuglément amoureuse. Elle les accueille néanmoins dans sa maison du bord de mer à un moment où le père est envoyé en centre de désintoxication. Billie et Nico y rencontrent Malik, un jeune garçon qui est, lui aussi, livré à lui-même, et découvrent le monde ensemble – une phase de leur vie qu’ils décrivent comme celle des « outlaws and renegades» (« hors-la-loi et renégats »).

Alexandre Rockwell n’est pas un cinéaste très connu du grand public. Petit-fils du russe Alexandre Alexeïeff, qui était graveur, illustrateur et réalisateur de films d’animation, il a grandi dans une famille artistique. Il a réalisé quelques films dans les années 1990, dans un style se rattachant au cinéma indépendant de l’époque. On peut citer In the Soup (1992) avec Steve Buscemi, qui joue un scénariste nommé Adolfo Rollo (le générique de Sweet Thing fait un clin d’œil à ce personnage). Il enseigne aujourd’hui le cinéma à l’université de New York (Chloé Zhao a suivi ses cours).

Sweet Thing est un film à petit budget, financé grâce à un projet participatif (Kickstarter) et filmé avec l’aide de ses étudiants, ce qui a permis au réalisateur d’avoir le contrôle total sur le long-métrage. Comme acteurs principaux, à part Will Patton (un ami de longue date) dans le rôle du père alcoolique, il s’est tourné vers sa famille : ce sont ses deux enfants, Lana et Nico, qui endossent les rôles de l’adolescente et de son frère. Ils avaient déjà joué dans un film précédent du réalisateur, Little Feet (2013). Son épouse, Karyn Parsons (vue dans The Fresh Prince of Bel-Air) prend le rôle de la mère. Quant à Malik (Jabari Watkins), ce n’est pas un acteur professionnel, mais un skater rencontré dans la rue.

Les lieux de tournage ont été sélectionnés par Rockwell lui-même. Il a roulé de longues heures dans la région, repérant divers lieux intéressants pour son film. New Bedford est une petite ville comme beaucoup d’autres, marquée par un passé industriel révolu et par des taux de chômage élevés. Il y a de nombreuses usines abandonnées et délabrées qui constituent des décors intéressants. C’est aussi un port de pêche au bord de l’océan Atlantique, et les enfants passent un moment entre les bateaux en cale sèche et sur la plage.

Rockwell a tourné son film en noir et blanc, essentiellement avec de la pellicule, renvoyant à ce passé de cinéaste indépendant et lo-fi des années 1990, mais aussi à des photographes comme Anton Corbijn. Quelques inserts à des moments-clés ont été filmés en couleur, avec une caméra 16mm – ces passages aux teintes Technicolor un peu passées mais très saturées provoquent une sensation d’explosion, de feu d’artifice dans les tons noirs et les blancs très contrastés, très organiques et montrant un certain grain. Rockwell utilise aussi des techniques du cinéma muet, comme ces ouvertures ou fermetures de plans à l’iris, dans lesquels l’image s’agrandit ou rétrécit sur fond noir, en forme d’un cercle, ou cette scène en plan fixe et large, mais en accéléré, où les personnages évoluent sur les diverses barres en fer d’un immense camion de dépannage. Quand les enfants marchent sur une voie ferrée, la référence est plus moderne, très clairement inspirée par Stand by Me de Rob Reiner.

La musique est omniprésente : l’adolescente se sent soutenue et protégée par Billie Holiday, qui joue le rôle d’une sorte de marraine-fée. Le titre du film tire son nom d’une chanson de Van Morrison, « Sweet Thing » que Billie interprète d’ailleurs plusieurs fois dans le film, s’accompagnant au ukulélé (un cadeau de Noël de son père). L’utilisation de l’air au xylophone Gassenhauer de Carl Orff est un clin d’œil à Badlands de Terrence Malick. Et dans une scène de danse très réjouissante, c’est « Pata Pata » de Miriam Makeba qui rythme les pas des enfants.

Même si l’histoire semble sombre, Alexandre Rockwell n’a pas tourné un film misérabiliste. Certaines scènes sont difficiles, mais le ton général du film est d’une infinie tendresse. Il est marqué par l’innocence mais aussi la résilience des enfants, leur capacité à réagir aux situations difficiles qui leur sont imposées par le monde adulte, et leur sincérité et optimisme dans toutes les situations.

Laissons le dernier mot à Alexandre Rockwell :

« Je peux dire avec assurance que j’ai fait exactement ce que je voulais faire en réalisant Sweet Thing. Je pense que les films sont un tour de passe-passe qui peuvent donner l’illusion de la magie. C’était une expérience extatique. » — Alexandre Rockwell, sur le site du film

Sweet Thing, un film d'Alexandre Rockwell

États-Unis - 2020 – 1h31 – VO st. FR & NL


Texte : Anne-Sophie De Sutter

Crédits photos : Sweet Thing & De Filmfreak


Agenda des projections :

Sortie en Belgique le 21 juillet 2021, distribution : De Filmfreak

En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes :

Bruxelles, Cinéma Galeries

Liège, Le Churchill

Namur, Cinéma Caméo

SWEET THING Poster

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