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Critique

« Respect » , un film de Liesl Tommy

Respect

musique, cinéma, féminisme, soul, Martin Luther King, biopic, droits civiques, biographie, Aretha Franklin

publié le par Simon Delwart

Film biographique autour d’Aretha Franklin, « Respect » donne à comprendre l’étroit maillage tissé entre la vie privée de l’artiste en tant que femme et les hauts-faits qui ont marqué sa carrière de musicienne.

Sommaire

Adoubée par la Reine

Lorsqu’il est question de biopic, se couler dans la peau d’une sommité telle qu’Aretha Franklin ne semble pas chose aisée. Encore moins quand votre participation découle de la demande expresse de la star. C’était en 2018, quelques mois avant son décès. Tant un honneur qu’un potentiel cadeau empoisonné qui échoit à l’actrice et chanteuse afro-américaine Jennifer Hudson, membre de cette catégorie de comédiens polyvalents dont la portée de l’expression corporelle ne connaît que les limites qu’elle s'impose à elle-même.

Pour la cinéaste Liesl Tommy, bénéficier du concours d’une artiste de cette envergure apparaît comme une aubaine tant celle-ci cumule à la fois qualités d’actrice, voix hors du commun et profil suffisamment bankable pour espérer transformer l’essai en blockbuster.

« Comme pour Dreamgirls, le rôle dont elle s’empare dans Respect lui va comme un gant, d’autant que le medium principal du biopic de Liesl Tommy est davantage la musique que la comédie. — »

Car s’il est vrai qu’elle est surtout saluée pour sa carrière d’icone R&B, il ne faudrait pas oublier que Jennifer Hudson est détentrice d’un oscar de meilleure actrice dans un second rôle pour Dreamgirls (Bill Condon, 2006). Cette récompense vient consacrer son interprétation remarquée de And I Am Telling You (I’m Not Going) dans ce film musical véritablement taillé pour ses attributs.

Respect 2

Le genre d’honneurs qu’elle ne parvient plus à s’attirer par la suite sous sa casquette d’actrice (à l’inverse, elle remporte deux Grammy Awards en tant que chanteuse), elle qui enchaîne les apparitions mitigées dans des réalisations mineures. Mais comme pour Dreamgirls, le rôle dont elle s’empare dans Respect lui va comme un gant, d’autant que le medium principal du biopic de Liesl Tommy est davantage la musique que la comédie.

Du reste, l’actrice bientôt quarantenaire n’en réalise pas moins une prouesse en incarnant une Aretha Franklin de plus de vingt ans sa benjamine, à une époque où celle-ci décide de suivre Martin Luther King, proche de la famille, pour une tournée de marches en faveur du combat antiségrégationniste. Une période qui correspond à un point de bascule entre une existence dédiée au gospel et à la foi baptiste inculquée par son père, le révérend C.L. Franklin, et le décollage de sa future carrière de chanteuse « profane » dans le giron de la Columbia Records.


Un complément au registre documentaire

Cette ère allant de l’enfance d’Aretha Franklin jusqu’à sa majorité constitue un premier tableau qui sème quelque peu la confusion sur la nature du film de Liesl Tommy : ce dernier flirte à plusieurs reprises – sans pour autant y succomber – avec le genre de la comédie musicale et s’épanouit dans un style hybride au service duquel les protagonistes se mettent systématiquement en scène, voire dialoguent par le chant.

« Par le biais d’une remise en contexte psychologique, Respect est une tentative d’injecter une dimension émotionnelle là où l’observateur mélomane ne verrait qu’un empilement de succès commerciaux découplés de leurs conditions de création. — »

Ce traitement donne à comprendre ce qui constitue le ciment de cette communauté afro-américaine d’après-guerre, cette intersection salutaire entre ferveur religieuse, musique gospel et fierté noire dont la résultante fut le succès historique du mouvement pour les droits civiques.

Mais au-delà d’être hautement signifiant sur le plan esthétique, ce long prologue introduit surtout le spectateur à une retranscription de l’univers mental du personnage d’Aretha Franklin. A travers la conjoncture dans laquelle évolue l’enfant, puis l’adolescente – de laquelle s’ensuivent des liens de causalités plus ou moins évidents – Liesl Tommy cherche à expliquer par anticipation les développements futurs afférant à la vie privée de l’artiste. Biopic oblige !

Respect 3

Si l’on reproche parfois à ce genre biographique sa part de voyeurisme par rapport à l’intimité du personnage public qu’il entend s’approprier, cette forme d’impudeur paraît nécessaire lorsqu’il s’agit d’identifier les jalons majeurs de la carrière d’Aretha Franklin. Par le biais d’une remise en contexte psychologique, Respect est une tentative d’injecter une dimension émotionnelle là où l’observateur mélomane ne verrait qu’un empilement de succès commerciaux découplés de leurs conditions de création.

Ainsi de sa relation orageuse avec son manager et époux, Ted White, largement mise en scène par Liesl Tommy au motif qu’elle semble avoir été la principale inspiration dont s’est nourrie l’artiste pour accoucher de morceaux à l’avant-garde d’un certain féminisme tels que I Never Loved A Man, Think mais surtout… Respect. Une chanson d’Ottis Redding, quasi masculiniste, dont le sens se voit complètement dévoyé par Aretha Franklin, ce que nous apprend une production Arte récente intitulée Soul Sister. Réalisée selon une approche documentaire factuelle, celle-ci fait le choix délibéré d’éluder ce que l’œuvre de la chanteuse doit au caractère dysfonctionnel de sa relation avec Ted White. En cela, le biopic de Liesl Tommy ne manquera pas de trouver sa place dans le paysage cinématographique ayant trait à celle qu’on a couronné « Reine de la soul. »


Simon Delwart

Crédits images : Universal


Agenda des projections

Sortie en Belgique le 8 septembre 2021.

Bruxelles : Aventure - White Cinéma

Brabant Wallon : Wellington

Hainaut : Quai10

Liège : Churchill - Parc

Namur : Caméo

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