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Critique

Réparation. Dans la maison.

Dans la maison

documentaire, vieillesse, immigration, exil, divorce, Maroc, mère, maison, Alzheimer, Karima Saïdi

publié le par Daniel Mousquet

« – Maman, tu sais où tu es ici ? – Oui. – Où es-tu ? – Dans un mouchoir… ». Avant que le mouchoir se replie sur tous leurs souvenirs, Karima et Aïcha déplient leur mémoire et rassemblent les émouvants débris de leur passé.

Sommaire

Dans la maison, Achoucha regarde, regarde le mur, regarde le clou dans le mur, regarde…

Achoucha ne se souvient plus très bien. La maladie d’Alzheimer s’est emparée d’une partie de sa mémoire.

Karima Saïdi retrace, dans un documentaire poignant, l’histoire de sa mère, de son émancipation progressive et un pan de l’immigration marocaine en Belgique.

rue de l'Oued

Dans les maisons d’Achoucha

Achoucha

Dans la maison de la rue de l’Oued à Tanger, Achoucha a grimpé sur la terrasse pour observer son prétendant. Il l'a regardée. Elle l’a regardé.

Achoucha s’est mariée à quatorze ans quand son mari en avait vingt-six.

Où est cette maison maintenant ? Achoucha hésite. Dans l’Oued. Mais où exactement ? Elle cherche mais ne trouve pas.

Il n’y a pas de photos des mariés ensemble. Achoucha a déjà trois enfants quand son mari part en Belgique. « Tu as été jetée ! »

Comment a-t-elle fait pour survivre seule avec ses enfants ?

Les questions que Karima pose à sa mère restent souvent sans réponse.

Dans la maison de Bruxelles, Achoucha rencontre les difficultés de l’exil. Ce qu’elle veut avant tout, c’est protéger ses enfants et les aider à rester en Belgique. Karima lui rappelle son départ du Maroc en 1967, son installation à Bruxelles et, après un bref retour vers son père devenu alcoolique et accroc au jeu, sa propre naissance.

« – Et moi, qui suis-je ? – Tu es Karima ! »

Achoucha devient « la divorcée », « la Belge ». Les problèmes s’accumulent, la famille vit des drames terribles. « Est-ce que Dieu t’a punie d’avoir choisi de vivre en femme libre ? »

Dans la maison de repos, Karima retrouve Achoucha, après une longue séparation : une réparation, un retour sur ses origines, sur les belles années et les années pénibles. Atteinte de la maladie, Aïcha (Achoucha) dévoile quelques bribes de son passé, qui ressurgissent mots après mots grâce au patient questionnement de sa fille. « Cette histoire, tu me l’as racontée… »

Encore faut-il trouver la clé de la bouche d’Achoucha.

« Maintenant je sais que j’oublie. »

Dans la maison de Karima

Karima Saidi

Encore adolescente, Karima Saïdi découvre le cinéma, fréquente l’INSAS puis réalise le montage de films documentaires, avant d’être scripte pour des films tels que The Incident, Le Cochon de Gaza ou À perdre la raison.

Lorsque sa maman est atteinte par la maladie, elle décide de passer du temps avec elle, de retrouver le passé. « Il arrive un jour où une fille veut comprendre la vie de sa mère. »

Sur la suggestion d’une amie, elle s’autorise à réaliser son premier film, un documentaire très personnel sur ses ultimes rencontres avec sa mère, les moments d’intimité, d’amour et de douleur.

Cette œuvre riche en émotion et en tendresse est plus qu’un hommage à la vie de sa maman, c’est un acte d’amour.

Dans la maison

film : Dans la maison

Dans la maison est construit tout le long d’un entretien délicat entre la fille qui cherche à remonter le puzzle qu’elle a abandonné pendant quelque temps et sa mère qui a oublié. Les questions légitimes de Karima s’opposent aux difficultés de se remémorer les événements.

Un habile montage privilégie une juxtaposition d’images fixes de sa maman, de photos de famille, parfois floues, parfois abîmées, de plan fixe de Karima et de séquences évoquant les moments clés de l’histoire familiale. Il faut attendre la cinquante-huitième minute pour apercevoir quelques secondes le visage en mouvement.

Ce pari esthétique peut dérouter. Cependant, avec tous ces éléments, ajoutés à la conversation entre fille et mère, nous passons de spectateurs à acteurs. Nous reconstruisons avec Karima la mémoire et la vie d’Achoucha. Comme des archéologues où chaque pièce apporte une clé de compréhension supplémentaire.

Et par-dessous tout, la sensibilité des deux femmes, la complicité ou l’incompréhension, l’amour et l’émotion nous permettent de garder un lien intime avec elles, sans rentrer dans leur tête. Juste les accompagner le temps d’un film, le temps pour nous aussi de comprendre…

– Et moi, qui suis-je ?– Tu es Karima.– Je t’aime, je t’aime parce que tu te rappelles de moi. — Karima à Achoucha

Ce film sera présenté en compétition au Festival International du Film Documentaire du 20 au 27 juillet 2021 à Monte Faito en Italie.

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