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Critique

HISTOIRES AUTOUR DE LA FOLIE, MÉMOIRES D'ASILE

publié le

L’asile de Ville-Evrard, fondé en 1868 en région parisienne, est un hôpital de santé mentale typique. Ce documentaire saisissant donne la parole à ceux, soignants et soignés, qui y ont vécu la réalité quotidienne, retraçant ainsi la genèse de […]
 
Réalisé en 1993, le film se compose de deux parties articulées autour des années 60-70, époque de réflexions contestataires pour de nombreux soignants, mais aussi début d’un nouvel élan vers les soins dans la ville. Ces histoires autour de la folie sont livrées dans leur profonde intimité par ses acteurs (patients, médecins, infirmiers, cuisiniers, électriciens, fermiers,…) quel que soit leur statut, et dont les attitudes et propos sont parfois contradictoires. À travers leurs mots, on découvre avec effroi un univers aux limites de l'extrême, un enfer concentrationnaire.
Tout débute par les lois qui ont dicté la création de Ville-Evrard, véritable lieu d’exclusion qui fonctionne en autarcie. Ils en explorent la mémoire, font l’historique des conditions d’enfermement sans médicaments, des rites barbares du XIXe siècle. Les protagonistes s’arrêtent sur le tournant décisif pris après la Deuxième Guerre mondiale. Ils évoquent l’arrivée des neuroleptiques où « aux cris, succéda le silence », ensuite la libéralisation de la psychiatrie qui choisit de soigner de plus en plus les malades dans leur propre environnement avec la « psychiatrie de secteur »…
Les réalisateurs, Paule Muxel et Bertrand de Solliers, écoutent et questionnent patiemment, avec obstination, ceux qui ont vécu ou travaillé à Ville-Evrard. De leur écoute, qui n’est pas de l’ordre de la compassion, jaillit une parole et une indignation qu’une telle réalité ait pu exister et perdurer. Adoptant une mise en scène distanciée qui exclut voyeurisme et identification, ils filment dans un rapport tendu entre paroles et lieux, les espaces vides, morts et pourtant habités où se sont croisées, voire entrechoquées les âmes des « fous » et de ceux qui devaient s'en occuper, les garder en vie à l'intérieur des murs. L'élément fondamental du film est le regard : tant celui du spectateur devant l'horreur que celui de ceux qui ont vécu cette horreur. On porte ainsi non seulement un regard critique sur ces « thérapies » mais l’on s’interroge également sur cette peur de l’autre qui engendre de tels systèmes de défense. On réfléchit sur la notion de « folie » tout en ne pouvant que s’en approcher, rester « autour ». Il n’y a pas vraiment de réponses aux questions soulevées, mais là n’est pas l’objectif.

Loin de vouloir prétendre retracer une histoire de la psychiatrie et de l’hôpital de Ville-Evrard, ce documentaire passionnant et intelligent est avant tout un véritable réquisitoire contre l’exclusion des malades mentaux. C’est aussi un hommage émouvant à ceux et celles que l’enfermement avait voués à l’oubli et au silence.
Catherine Mathy

Note : Ce documentaire a obtenu de très nombreux prix en 1993. Par ailleurs, les suppléments DVD (50’) enrichissent encore le contenu du film : entretien en 2006 avec Guy Baillon, psychiatre, sur la question de la nécessité des hôpitaux psychiatriques, ou encore images de préparation pour le documentaire, filmographie des réalisateurs...



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