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Critique

Il était une fois une île

il etait une fois une ile

publié le par Frédérique Muller

Les habitants de Takuu vivent sur une île isolée de Papouasie-Nouvelle-Guinée depuis mille ans. Ils voient aujourd’hui se manifester les premiers signes de changement climatique avec la montée du niveau de la mer qui provoque une érosion des côtes, une diminution de la surface vitale et une salinisation des terres cultivées. Se pose alors la douloureuse question de la pérennité de la vie de la communauté sur l’île et de ce qu’un déplacement de population signifie.
Ce sentiment qui m’a accompagné depuis l’enfance a disparu. Mon île est en train de perdre sa beauté — Il était une fois une île

Le documentaire se fait le témoin du vécu de la population confrontée à la destruction de son milieu de vie, à l’incertitude, à l’incompréhension alors que tout semblait harmonieux jusque-là. Il raconte le sort de familles qui subissent les conséquences d’une pollution et de dérèglements globaux initiés ailleurs. Parmi les habitants, le film s’intéresse surtout à trois figures. La première est un homme, attaché à la perpétuation des traditions. Il enseigne par exemple des techniques de pêche et des danses traditionnelles. La seconde est une femme, convertie au catholicisme, partie depuis longtemps pour aller vivre dans une région plus urbanisée. Elle revient convaincre son peuple de quitter l’île pour survivre et se voit comme une porteuse de changements pour sa communauté. La troisième est incarnée par deux scientifiques venus à la demande de la population pour étudier la situation et la présenter aux habitants afin qu’ils puissent réagir. Parmi les options qu’ils présenteront : construire autrement les digues, déplacer les maisons, déplacer le village, quitter l’île. Les deux scientifiques témoignent de l’impact écologique des changements climatiques pour l’île mais aussi pour les communautés sur un plan plus culturel. L’un d’eux témoigne

Peut-être qu’au cours de leurs différentes actions, les gens devraient penser un peu plus à ces lieux qui leur sont chers, et se demander, s’ils devaient en partir, ou si ces endroits étaient soudainement rayés de la carte, comment le vivraient-ils ? Et ensuite, ils devraient multiplier cet impact par dix car cette île, c’est tout ce que ces habitants connaissent, toute leur culture, toute leur vie, tout est ici »… « C’est leur monde, et leur monde est en train d’être détruit — Il etait une fois une île
il etait une fois une ile

L’abandon par cette communauté de leur île, c’est celui de leur terre en tant que berceau de leur histoire personnelle et collective, en tant qu’ancrage de leurs pratiques culturelles uniques (pêche, utilisation des plantes, croyances, danses, etc.) mais aussi de leur langue. Une fois les quatre cent habitants actuels partis et dispersés, loin de chez eux et des possibilités de pratiques, il ne restera rien de ce qui faisait leur monde. Or cette diversité, cette pluralité de rapports à la nature, de savoir-faire et de pratiques culturelles est source de richesse pour la compréhension du monde dans toute sa complexité, dans tous ses possibles, source aussi de potentialités face à un avenir incertain. Cette perte de diversité se fait au détriment d’une vision univoque du monde, celle-là même qui a participé au dérèglement climatique.

J’ai déjà décelé les signes d’un futur très trouble pour mes enfants — Il était une fois une île

Après ces paroles, tandis que la caméra descend lentement sous l’eau, des voix, qui avaient entonné un chant traditionnel, s’estompent. L’eau de la mer engloutit peu à peu la terre, et avec elle les voix, entrainant à leur tour un monde.

Régulièrement dans le film, les vagues grimpent sur l’île, jusqu’au moment d’entamer son dernier tiers, alors que survient une marée anormalement haute, puissante et dévastatrice. Les vagues grimpent littéralement sur l’ile, la prennent d’assaut, pénètrent dans les jardins et les maisons, s’infiltrent, noient les racines d’eau salée et emportent avec elles le mobilier. L’école est ravagée, l’approvisionnement en nourriture de l’île est suspendu suite aux dégâts provoqués dans la région. Ces évènements seront de plus en plus fréquents. La stupéfaction passée, certains réagissent : « Il faut s’aider soi-même, agir et, comme le faisaient les ancêtres, ne pas envahir tout l’espace, étudier les zones d‘habitation possibles ». L’équipe de scientifiques recommandent alors de construire plus haut. Mais combien de temps pourront-ils rester ?

La seule solution que semble proposer le gouvernement, sans s’y atteler concrètement, c’est le relogement dans les environs de Bougainville. Les images montrent à quel point le déplacement d’une population reste problématique. Au-delà des aspects concrets d’exposition à de nouvelles maladies, d’accès à la terre, au logement et au travail se pose douloureusement la question de la survie des pratiques culturelles. Comment faire survivre les pratiques de pêche de cette communauté de pêcheurs alors que l’accès à la mer sera désormais impossible ?

Les parents se demandent quel sera l’avenir de leurs enfants. Ils doivent prendre une décision radicale dans une totale incertitude. Anticiper l‘impensable. Quand faut-il partir ? Un autre avenir les attend-il ailleurs ? Sera-t-il meilleur ?

Peu importe que tu sois petit, tu es utile et tu fais partie du monde. Si tu perds quelque chose, même petite à l’échelle de la planète, tu perds beaucoup — Il était une fois une île
Il était une fois une île