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Critique

COFFRET - THE MURDER OF FRED HAMPTON / AMERICAN REVOLUTION 2

publié le

The Murder of Fred Hampton - American Revolution 2

Du documentaire comme combat, de la nécessité de filmer pour témoigner.

En 1969, Fred Hampton a vingt ans. Il vient de fonder avec Bobby Rush l’aile des Black Panthers de Chicago. Son charisme et son discours lui attireront l’affection des foules, noirs comme blancs. Son parti associe un langage radical, appelant à la révolution et au renversement du complexe militaro-industriel blanc, à des actions concrètes, compensant par des distributions de vivres, des services légaux et financiers, les inégalités sociales qui touchent les noirs de Chicago. Bobby Rush, alors ministre de la défense des Panthers, est aujourd’hui membre du Congrès pour le parti démocrate. Fred Hampton est lui mort assassiné par la police lors d’une descente nocturne.

Howard Alk et Mike Gray sont cinéastes. Ils ont choisi de documenter leur époque, les manifestations contre la guerre au Vietnam, les luttes d’une gauche américaine aujourd’hui disparue, les mouvements étudiants et le combat des Black Panthers. Ils réalisent un premier film « American Revolution 2 » à partir de séquences tournées durant une des plus grandes manifestations anti-guerre à Chicago. Il dénonce ce qui sera une constante dans leurs films: la brutalité policière et les mensonges officiels. Le maire de Chicago, Richard Daley et les différentes commissions locales et fédérales qui jugeront les « meneur s» de la manifestation iront jusqu’à inverser les rôles et transformeront les affrontements avec la police anti-émeute en émeute anti-police. La manifestation sera interdite, réprimée et ses leaders seront jugés pour « conspiration et incitation à la révolte », durant un long procès qui ne s’achèvera que quatre ans plus tard par l’annulation de la condamnation des « Huit de Chicago » : Rennie Davis, David Dellinger, John Froines, Tom Hayden, Abbie Hoffman, Jerry Rubin, Bobby Seale et Lee Weiner.

C’est durant ce tournage que les réalisateurs rencontreront les Black Panthers de Chicago et son militant le plus prometteur: Fred Hampton. Ils filmeront de nombreuses réunions du parti et de nombreux meetings publics, donnant la parole à un discours jusque-là censuré ou pire, déformé, dans les médias mainstream. Lorsqu’en décembre1969, Fred Hampton est tué avec Mark Clark dans l’appartement de celui-ci lors d’une descente de police, Gray et Alk sont contactés d’urgence par les Panthers pour filmer les lieux de ce qui est pour eux un assassinat politique et que la police tente de masquer en fusillade, une fusillade qui aurait bien sûr été déclenchée par les occupants de l’appartement eux-mêmes. Les documents qu’ils vont tourner vont démonter un par un les mensonges de la version officielle. Ils démontreront qu’aucun coup de feu n’a été tiré de l’intérieur, que sur les nonante-neuf impacts de balles trouvés sur les lieux, un seul provenait des Panthers. Ils trouveront des témoins contredisant les dires de la police qui prétendait avoir été accueillie à son arrivée par un coup de carabine. Les Black Panthers et leurs avocats diffuseront ces images et feront défiler dans l’appartement des milliers de personnes venues constater, de visu, les éléments qui remettent en cause l’histoire officielle et accusent clairement le commando policier d’avoir procédé à une « liquidation ».

L’affaire ne se résoudra que par un compromis un peu bancal, les membres des Panthers arrêtés ce jour-là seront libérés, toutes charges suspendues, en échange d’un abandon de l’enquête sur le procureur Hanrahan qui a ordonné l’assaut et sur les services spéciaux de la police qui l’ont effectué. Cette enquête gênante, qui aurait pu remonter jusqu’à l’implication du FBI dans l’assassinat et la découverte de son programme de contre-espionnage ciblant les militants noirs et d’autres organisations décrétées radicales. Ce programme, intitulé COINTELPRO, avait pour but d’exposer, perturber, discréditer, ou sinon de neutraliser les activités des mouvements dissidents et leurs chefs. Si la mémoire de Fred Hampton est aujourd’hui réhabilitée, aucun des policiers participants à la descente, aucun des fonctionnaires ayant fabriqué les preuves couvrant leurs actes, aucun des officiels ayant ordonné l’assassinat de Fred Hampton n’a jusqu’ici été jugé.

Le film donne abondamment la parole aux Black Panthers, utilisant les images d’Hampton tournées avant sa mort. Comme le court métrage d’Agnès Varda sur le même sujet (« Black Panthers », 1968), il montre sans ambages un mouvement prêt à prendre des armes, militant clairement pour une nouvelle révolution américaine. Il montre un mouvement de gauche, potentiellement violent, mais aussi un mouvement dépourvu du racisme dont on l’a accusé. Contrairement à leur image officielle, manipulation destinée à effrayer la classe moyenne blanche en agitant le spectre d’une révolte noire, les meetings appellent à une union des noirs et des blancs contre l’ennemi commun, les États-Unis de Nixon, des jusqu’au-boutistes du Vietnam, du racisme, de l’autoritarisme, mais aussi au quotidien, des propriétaires véreux, des employeurs exploiteurs, de la corruption et de la violence policière. À travers les portraits des officiels, Hanrahan et ses policiers, c’est aussi cette Amérique-là qui est décrite, bornée, raciste, violemment réactionnaire et prête à tout pour conserver son pouvoir. Le film n’a rien perdu de son actualité.
Benoît Deuxant

Selec

 

 

 

 

 

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