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Des révoltes qui font date #17

Juin 2011 // Mobilisation des "potagistes" contre un projet immobilier de la commune d'Ixelles

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À l’été 2011, un collectif de riverains ixellois entre en résistance contre les autorités communales. L’objet de la discorde n'est rien d'autre qu'un lopin de terre cultivable. Pour anecdotique qu’il puisse paraître, ce mouvement est caractéristique des tensions qui, de tous temps, ont opposé les habitants de Bruxelles et leurs gouvernants. En cause, des politiques d’urbanisme qui cristallisent l’antagonisme entre des velléités étatiques et le tissu social de citoyens profondément enracinés. Un sujet largement exploré au travers de "Brussels Footage", une plateforme de l’audiovisuel bruxellois, en ligne dès le 26 novembre prochain.

De part et d’autre de la chaussée de Boitsfort, dans l’ancien hameau de Boendael, se cultive depuis des décennies l’art du potager, sur plus de trois hectares. En 2009, un projet immobilier, que nul n’avait vu venir, saccage inexorablement les parcelles situées le plus au sud de la zone. Ceux qui prennent soin des terrains jusqu’alors épargnés par la construction se doutent que leur tour viendra : les lopins en question appartiennent bel et bien à la commune d’Ixelles, libre de les vendre au promoteur le plus offrant en vue de résoudre – du moins est-ce la raison invoquée – la crise du logement à Bruxelles.


De fait, au printemps de l’année 2011, la commune lance une concertation pour un nouveau PPAS : un Plan Particulier d’Affectation du Sol. Un acronyme peu engageant qui implique la volonté de transformer ces friches constructibles en nouvelles habitations. En juin 2011, alors que de premiers locataires s’installent dans les lotissements bâtis sur les vestiges des anciens potagers, un collectif de riverains se mobilise et demande à être entendu par la commission de concertation tenue à la maison communale d’Ixelles. L’objectif : faire reconnaître, par les autorités, la valeur intrinsèque de ces espaces de biodiversité pour le quartier, en ce que ceux-ci, s’ils ne sont certes en rien une solution à la problématique urbaine du logement – pas plus qu’ils ne génèrent de revenus fiscaux au travers d’une taxe foncière – répondent pourtant à un criant besoin citoyen.

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Quoique le projet immobilier en question, si indésirable qu’il soit, n’a pas vocation à exproprier les habitants, celui-ci n’en est pas moins voué à rayer de la carte le poumon vert d’un quartier majoritairement constitué de logement sociaux, au sein desquels vit une population précarisée. Ce n’est donc pas un hasard si les fers de lance de la contestation ne sont pas des individus locaux, lesquels, loin d’être rompus à l’exercice de la contestation, s’étaient d’ores et déjà résignés à assister à l’artificialisation de lopins parfois cultivés depuis près de vingt ans. C’était sans compter sur la détermination d’Ulrike et Stefano, expatriés venus respectivement d’Autriche et d’Italie, convaincus de la nécessité de préserver cet espace qui, selon eux, est garant du tissu social et constitue un certain antidote aux errances d’une jeunesse livrée à elle-même.

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Il est vrai que, partout en Europe, les exemples d’expérimentations liées à l’agriculture urbaine se multiplient et viennent confirmer la thèse de ces deux comparses tournés vers le monde. Là où la densité urbaine est importante, l’urbanisme contemporain semble préconiser la création d’espaces verts, mais surtout collectifs, de nature à cimenter le corps social en présence. C’est donc armés des meilleurs arguments que ces autoproclamés « potagistes » frappent à toutes les portes du pouvoir, de la commune d’Ixelles à la Région bruxelloise, afin de préserver ce qui reste des potagers Ernotte-Boendael. En ce sens, le documentaire de Pascal Haass, logiquement baptisé Les Potagistes, apparaît comme l’instantané saisissant – fruit d’une immersion qui dura tout de même près d’un an – d’un laboratoire démocratique extrêmement fécond, au sein duquel des citoyens lambda apprennent l’art de la délibération collective, autant qu’à identifier les voies d’accès aux institutions décisionnelles.

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Interpellation citoyenne à la commune d'Ixelles, novembre 2014 - © Pascal Haass

Habitant de Watermael-Boitsfort, Pascal Haass vit non loin des potagers Ernotte-Boendael, dont les défenseurs ont fait grand bruit, bien au-delà des frontières ixelloises. Son film a ceci de particulier qu’il accompagne littéralement la résistance citoyenne, au gré de ses interactions avec les pouvoirs publics. Entre désillusions et lueurs d’espoir, Les Potagistes immortalise ainsi quelques instants truculents de « réal-politique », à l’image de l’aveu d’impuissance d’Évelyne Huytebroeck, à l'époque ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Énergie, laquelle prédit piteusement la probabilité nulle de voir transformer un terrain constructible en espace vert, selon la loi inexorable de l'urbanisme de la capitale. A l'inverse, d'autres images suggèrent le futur soutien qui sera apporté par l'ancien secrétaire d'État du Logement, Christos Doulkeridis, désormais bourgmestre Écolo d'Ixelles faisant office de véritable homme providentiel : en mars 2019, le collège ixellois annonce sa décision d'abandonner le projet immobilier initié lors de la précédente législature...


Texte : Simon Delwart


Les Potagistes fait partie des plus de 200 fictions, documentaires et archives télévisées de Brussels Footage, la plateforme de l'audiovisuel bruxellois en ligne dès ce 26 novembre prochain.