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Critique

« Atlantis » de Valentyn Vasyanovych (Ukraine, 2019)

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pollution, Ukraine, guerre, autopsie, stress postraumatique

publié le par Yannick Hustache

Rattrapé par l'implacable réalité d'une guerre qui n'ose dire son nom en 2022, ce film situé en 2025, au sortir d’un long conflit, dans une Ukraine qui tente de panser ses plaies alors que l’espoir semble avoir déserté ses terres.

Sommaire

Ukraine, année 0

Ukraine, l’hiver, dans un futur proche, après un conflit face à un adversaire jamais nommé qui l'a laissée exsangue. Dans le fond d’une carrière minière à l’abandon, Sergiy (Andrii Rymaruk) et un autre ex soldat démobilisé, Ivan (Vasyl Antoniak) tirent sans but sur des cibles métalliques d’entrainement. Les deux hommes qui tous deux soufrent de stress post-traumatiques et de désœuvrement, travaillent dans une usine sidérurgique délabrée. Juste avant que les derniers propriétaires « anglo-saxons » de l’entreprise n’annoncent sa fermeture définitive, à bouts de nerfs, Ivan se jette dans le magma bouillant de métal en fusion.

Sergiy se « reclasse » en tant que transporteur d’eau - celle-ci étant devenue toxique, conséquence directe de la guerre – dans un pays dépeuplé, dévasté, en grande partie détruit, et où semblent souffler les vents mauvais d’un hiver sans fin. Au détour d’une route défoncée, il fait la rencontre de Katya (Liudmyla Bileka), autrefois archéologue, et à présent chargée de procéder à l’exhumation de corps des victimes de guerre pour autopsie et identification. L’ancien soldat se rapproche peu à peu de l’ex scientifique tandis que lors de l’une de ses pérégrinations, il sauve in extrémis la représentante d’une organisation internationale dont le véhicule a sauté sur une mine. Elle lui propose de l'aider à quitter un pays qu’elle estime « condamné ». Sergiy, accroché à son refuge sis dans un recoin de l’ancienne scierie ne sait que faire.

La logique implacable du cadre

Spectacle de désolation hivernal qui scrute des paysages sans vie, frappés par la destruction et la mort, Atlantis à l’image de ce continent mythique connu via Platon, et submergé sous les flots il y a des milliers d’années, est un film qui tente de dresser tant que faire se peut le bilan d’une irréparable tragédie qui a pour résultat de rendre un pays inhabitable (l’environnement a été pollué au dernier degré), aux cimetières et charniers innombrables, privé de tout (la fermeture de l’usine), et où la seule issue semble être l’émigration ou la mort.

Une fatalité de fin d’un monde que le cinéaste traduit à l’écran avec une extrême rigueur par un enchainement de longs plans fixes où chaque séquence, avec ou sans acteur dans le champ, est conduite et menée jusqu’à épuisement total de ce qui s'y joue, strictement à l’intérieur de celui-ci. C’est incroyable de force d’évocation quand il s’agit des interminables monologues scientifiques des équipes d’autopsie, consternant quand, à l’annonce de la fermeture de l’entreprise, le buffet d’adieu vire à la bagarre générale chez les licenciés, et presque drôle quand Sergiy saccage son appartement miséreux après avoir raté le repassage de son unique ( ?) pantalon raidi par le gel…

D’une lenteur presque maniaque et mécanique reflétant un pays hanté par la mort et le deuil, Atlantis n’est pas totalement dénué d’espoir. L’idylle finale entre Sergiy, accroché coûte que coûte à sa terre et Katya, clôt le film dans les mêmes tons (images au détecteur de chaleur) que dans son ouverture, mais dans un état d’esprit tout à l'opposé. L’amour plus fort que tout.

Fiction prémonitoire ?

Récompensé en 2019 du prix du Meilleur Film de la section Orizzonti de la Mostra de Venise, Atlantis, n’a pas connu les faveurs d’une sortie en salle. Il ressort aujourd’hui dans quelques salles de Belgique. L'intégralité des recettes de cette sortie sera directement reversée aux producteurs ukrainiens (sans frais d'intermédiaires.)

Mais le film sidère par son à-propos fictionnel à l’heure où la Russie mène, depuis le 24 février dernier, une guerre ouverte qui ne dit son nom sur le territoire de sa voisine, provoquant destructions, morts et son lot de déplacés et de réfugiés. Et même si, on le rappelle, dans le film, l’adversaire n’est jamais nommé. Car à l’autopsie tous les corps se valent. Ironie du sort, le film a été tourné du côté de Marioupol, l’un des épicentres des combats en cours et, balle dans le camps des ( argumentateurs) pro-Russes, ce qui reste d'industrie lourde ukrainienne est au début du film, aux mains d'un consortium étranger qui ferme l'outil sans demander son reste.

À cette fiction post-apocalyptique que l’on aurait souhaité moins en écho direct à cette crise devenue mondiale, le réalisateur Valentyn Vasyanovych ajoute une dimension écologique qu’il ne faudrait pas occulter. C’est bien à cause de l’homme et de son action destructrice que cette terre d’Ukraine semble plongée dans un hiver post-atomique permanent, qui évoque le territoire de Tchernobyl abandonné de presque toute présence humaine pérenne.

Atlantis, de Valentyn Vasyanovych ,

Ukraine -2019 -1h48 min

Texte : Yannick Hustache

Crédits photos : The PR Factory

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