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Portrait

Blandine Verlet (1942 - 2018)

Blandine Verlet - pochette de disque (c) Philips

Blandine Verlet (1942 - 2018)

musique, musique classique, clavecin, hommage, musicienne, Blandine Verlet, François Couperin

publié le par Anne Genette

Au terme d’une carrière riche de concerts et d’enregistrements, la claveciniste Blandine Verlet a fait son entrée dans l’éternité ce dimanche 30 décembre 2018. Comment mieux évoquer sa vie que de donner la parole à ceux qui l’ont côtoyée et tenter ainsi de tracer un portrait nuancé de cette musicienne ô combien discrète.

Rencontrés dès l’enfance, la musique de François Couperin et le clavecin ne l’ont plus quittée. Son dernier enregistrement paru en 2018 est d’ailleurs consacré à la musique de cet ami de toute une vie qu’elle aimait qualifier d’affectueux. Son autre compagnon de route, c’est le clavecin.

Apprendre à toucher le clavecin prend toute une vie — Blandine Verlet

L'Art de toucher le clavecin - François CouperinFrançois Couperin en faisait un art, L’Art de toucher le clavecin est d’ailleurs le titre d’un ouvrage didactique bien utile pour approcher cet instrument incapable de nuance dynamique. Faire parler le clavecin en jouant avec les silences, en rusant avec l’agogique, en articulant le discours pour révéler le texte qui sur papier ne donne rien à entendre à qui ne lit pas la musique est un véritable challenge. Blandine Verlet aimait remettre sur le métier les mêmes pièces et voir les améliorations résultant d’un affinage progressif. De même, après avoir touché des clavecins contemporains de son compositeur favori, elle s’est attaché au splendide clavecin conçu par Jean-Henri Hemsch en 1751. Il est des montures rétives qui ne pensent qu’à vous désarçonner et à vous piétiner. Parmi les instruments, orgue ou clavecin, il en va de même. Jusqu’à la fin de la prestation, vous luttez pour garder le contrôle et tenter de vous faire entendre. Par contre, il en existe avec lesquels la relation est tendre et ce sont eux qui suggèrent la façon d’exprimer telle ou telle chose. Dans ces cas-là, on ne sait qui accorde qui mais la compréhension mutuelle est totale. Poser ses doigts sur les touches d’un tel clavecin est une expérience inoubliable. À l’onctuosité du toucher répond un son plein et chaud, les « mots » se forment d’eux-mêmes pour aboutir au plaisir de partager. Blandine Verlet confessait son affection pour ce type d’instrument.

Revenons à la musique de François Couperin avec laquelle Blandine Verlet a cheminé toute sa vie. L’interprète en révèle les aspects cachés. Ce sont bien des états d’âme plutôt que de petits tableaux de genre restant à la surface de la toile. Il nous est loisible de dresser à la fois la biographie et le portrait de cette musicienne atypique au travers de deux enregistrements réalisés sur le clavecin Jean-Henri Hemsch de 1751, celui de 2012 et celui de 2018 parus tous deux chez Aparté. Dans le Deuxième livre de 1716-1717 figurent Les petits âges avec la Muse naissante, l’Enfantine, l’Adolescente, les Délices et la sarabande L’Unique, une manière de biographie. Le Quatrième Livre de Pièces de clavecin de 1730 offre une image de la maturité avec La Visionnaire, La Misterieuse et La Muse victorieuse. L’Épineuse vient faire un clin d’œil à la liberté de parole dont usait Blandine Verlet ce qui ne lui a pas valu que des amitiés. Enfin Les Ombres errantes lève le voile sur le côté visionnaire à la fois du compositeur et de l’interprète. L’ultime parution de 2018 se clôt sur la chaconne La Favorite écrite en ut mineur, une pièce puissante extraite du Premier Livre de 1713. Blandine Verlet aimait parler de sa force à faire vivre le texte musical. Pouvait-on rêver meilleur choix pour porter témoignage de cette force vitale ? Après tout, François Couperin termine son 27ème et dernier ordre par La Saillie, une pièce pleine d’entrain.

Il nous reste à prendre congé de cette interprète ayant littéralement incarné, avec humilité, les raffinements de la musique française du 18ème siècle et en particulier celle de François Couperin.


Anne Genette