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Si ces dernières années, les Super-héros se sont défaits de cette image en vivant des histoires plus sombres et plus complexes, il ne faut pas oublier que les comics, nom générique pour désigner toutes les BD américaines, ne se limitent pas à ce genre-là et peuvent aborder des sujets aussi riches et variés que dans les bande-dessinées européennes et les mangas.

Il n’est donc pas question de superpouvoirs dans Y, le dernier homme, mais bien de récit de science-fiction post-apocalyptique. Le héros, Yorick, ne paie pas de mine, c’est même plutôt un looser… Il est sur le point de demander en mariage sa petite amie au téléphone quand le monde bascule : tous les êtres vivants porteurs du chromosome Y meurent soudainement… à l’exception de Yorick et Esperluette, son chimpanzé de compagnie.

Yorick se voit donc confronté à un monde qui, en plus d’avoir perdu sa portion masculine, doit faire face à des défis complexes : pénuries dans certains métiers, insécurité, chute du gouvernement (majoritairement masculin, il ne reste que la secrétaire d’état à l’agriculture pour devenir Président des USA) mais surtout les risques de famines, puisque le bétail ne peut plus se reproduire. C’est cette société au bord du gouffre que Yorick doit traverser pour retrouver sa mère, sa sœur et sa petite-amie, le tout sans se faire repérer… Car lui-même et son singe attisent les convoitises, aussi bien politiques, idéologiques que sexuelles…

C’est un récit original à plus d’un titre que le scénariste de Saga nous livre ici, et sa réédition en beaux volumes chez Urban Comics permet de le redécouvrir. Si la question de l’extinction humaine a été abordée à maintes reprises dans la littérature d’anticipation, la disparition d’un seul des deux sexes reste relativement rare. Notons malgré tout la disparition des hommes dans la série de roman pour adolescents Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous, la chute démographique de la population masculine dans le manga Le pavillon des hommes, ainsi que la mutation des femmes en hommes et leur disparition dans la nouvelle Le Crime et la Gloire du Commandant Suzdal de Cordwainer Smith.

Les questions que pose le récit à notre société sont multiples et sont le reflet des angoisses modernes. Les femmes survivantes qui s’inquiètent de ne plus pouvoir procréer nous rappelle les constats alarmants d’infertilité dans notre société actuelle. La naissance, la procréation et le clonage sont les thèmes centraux de ce comics (comme c’est également le cas dans Saga, du même scénariste) et sont finalement bien plus présents que la mort dans le récit, malgré le carnage qui entame l’histoire. Ce sont les enfants qui apportent un soupçon d’espérance.

Bien qu’écrit par un homme, ce comics est teint de féminisme réaliste. Sans idéaliser les femmes (le monde sombre dans le chaos après la mort des hommes sans qu’elles puissent l’empêcher), il met en valeur leur courage et leur détermination pour finalement reconstruire un monde qui fonctionne, un peu plus pacifié (mais pas totalement) et équilibré au maximum… Mais elles sont également montrées comme avides, fières (voire arrogantes), parfois extrémistes, bref, les défauts de l’humanité ne les épargnent pas.

En plus de présenter des personnages attachants, le scénario est rempli de suspens et donne envie d’arriver à la conclusion, qui ne décevra pas le lecteur. Le tout est servi par un graphisme simple et efficace qui, sans être marquant, illustre énergiquement les retournements de situation.

Un must pour découvrir les comics d’un point de vue original et différent, qui mêle action, réflexion, sentiments et imagination, avec une histoire complète en 5 tomes.

 

Marie Devigne
Réseau des bibliothèques de Charleroi

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Brian K. Vaughan, Pia Guerra et al. : Y le dernier homme
5 volumes - env. 1500 pages au total
Urban Comics / collection Vertigo éssentiels, 2012-2014