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Focus

Musée de la fraise (Wépion) : miroir aux alouettes

Musée de la fraise -Wépion 11 3 - Céline Bataille
L’objet surprend et c’est peu dire qu’il attire par son côté énigmatique. L’assemblage des différents éléments qui le composent a quelque chose d’improbable. Il est difficile d’en deviner la logique et l’usage.

L’objet surprend et c’est peu dire qu’il attire par son côté énigmatique. L’assemblage des différents éléments qui le composent a quelque chose d’improbable. Il est difficile d’en deviner la logique et l’usage. Du coup, le premier réflexe est de l’associer au monde de l’art. On songe brièvement à cette citation de Lautréamont reprise par les surréalistes pour définir la beauté :

Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. — Lautréamont

Et pourtant il s’agit d’un objet dont le nom est aussi une expression courante. Mais justement, l’objet n’étant plus utilisé, on oublie qu’il a précédé le langage. Voici donc, tel qu’en lui-même, le fameux « miroir aux alouettes ».

Il associe un pédalier de vélo, noir, une partie en bois incurvé constellé de petits miroirs. C’est un remarquable spécimen qui colle aux définitions les plus classiques. Quasiment l’archétype. Le bout de bois, usé, a bien la silhouette stylisée d’un oiseau. Il est incrusté d’éclats brillants. Le pédalier permet de le suspendre par un fil pour que le vent le balance. Une fois agité, ses miroirs vont étinceler en toutes directions. Est-ce que le bout de bois a été ramassé tel quel et écorcé, légèrement travaillé au couteau ou à la serpe ? Les éclats proviennent-ils de la récupération ou d’un petit miroir cassé à cet effet ? Le pédalier a-t-il été prélevé sur une bécane bonne pour le ferrailleur ? La dimension fonctionnelle n’exclut pas, via les multiples manipulations, le bricolage poétique. À côté de son travail principal, le paysan se livrait à d’autres activités, entre loisir et manière d’améliorer l’ordinaire, révélatrices de toute une série de relations avec la nature nourricière.

L’objet est un piège. Esthétique, il exprime une estime pour l’être que l’on veut piéger dont on salue la beauté. C’est quelque chose que l’on trouve dans d’autres traditions. Le miroir aux alouettes exploite le fait que certains oiseaux, dont l’alouette, sont attirés par les surfaces brillantes. Une fois que les volatiles intrigués volètent ou se posent près du piège, un filet s’abat sur eux, à moins qu’ils ne soient tirés au fusil. Je me souviens d’une charmante comptine de ma grand-mère évoquant le pâté d’alouettes comme d’un met raffiné. Le miroir aux alouettes du Musée de la Fraise, nous dit le Conservateur, ne servait plus depuis longtemps de leurre mortel, et était utilisé comme simple épouvantail, dans les arbres et les champs.

Ce genre de déplacement entre un objet, des pratiques, ce qu’elles apprennent sur le quotidien d’une époque, et la manière dont le langage en garde des traces, est le genre de dynamique qui inspire la nouvelle scénographie du musée. Son but est de révéler ce que la fraise raconte. Ce fruit de consommation ordinaire ne vient pas de nulle part. Les saveurs bien connues qu’il laisse sur la langue et le palais, le parfum qui charme l’odorat, ont traversé l’histoire en stimulant l’imaginaire et de nombreuses actions humaines. Plusieurs récits s’entrecroisent qu’explore l’orientation scientifique qu’a donné le nouveau conservateur à cet espace muséal, né dans les années 1970 et qui s’articulait alors autour de quelques tableaux pittoresques de la vie rurale. Si la fraise occupe une place importante dans l’identité wépionnaise (selon un territoire qui englobe les communes mosanes voisines), elle y introduit d’autres dimensions et montre qu’un terroir est le résultat de narrations multiples qui le replacent dans une géographie bien plus vaste.

La fraise telle qu’on la connaît est liée à l’histoire de la première mondialisation. Sans les voyages aux Amériques, nous ne connaitrions que la fraise des bois qui, déjà, jouait un rôle important dans l’économie du glanage. Mais Il ne suffit pas de ramener des plants des régions lointaines. Il faut qu’ils s’acclimatent et se reproduisent. Pour comprendre comment cela s’effectue, un détour par l’histoire sociale de la fraise est incontournable. C’est le fait qu’elle soit prisée par les nobles et les rois de France qui déclenche toute une série de conditions favorables. Elle devient un objet d’études et un botaniste célèbre découvre les lois de la pollinisation, ce qui lui ouvre les voies de la création de nouvelles espèces. Ainsi, à partir de la fraise, le musée entrecroise le récit de la première mondialisation, de l’histoire des sciences et de l’histoire sociale. Et enfin, pour parler d’une période plus proche, la manière dont la culture de la fraise s’est installée dans la région de Wépion, en parcelles artisanales, permet d’aborder le développement des cultures intensives, la prédominance des méthodes industrielles qui fragilise les petites productions locales et bouleverse le terroir.

Le Musée de la fraise n’est pas qu’un lieu de mémoire. Publications scientifiques ou gastronomiques, jardin des petits fruits, aubette de vente locale, il interagit avec les producteurs et les visiteurs. Petit mais bien pensé, il rayonne de passion.

L'Objet nature - couverture (c) Balthazar Delepierre




Pierre Hemptinne
- photos: (c) Céline Bataille

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Du 1er au 16 septembre, PointCulture Bruxelles sera heureux d'offrir le guide aux visiteurs de l'exposition L'Objet Nature. Disponible jusqu'à l'écoulement des stocks !


Musée de la fraise
1037 Chaussée de Dinant 1037
5100 Namur (Wépion)

32 (0)81 46 20 07

Gratuité : le 1er dimanche du mois


À visiter dans la région :

Jardins d'Annevoie - vignetteLes jardins d'Annevoie
(classés patrimoine majeur de Wallonie)

Situés en Haute-Meuse, ils constituent une véritable perle dans un écrin de verdure. Ces jardins, où la splendeur et la majesté du style français se mêlent harmonieusement au romantisme anglais et au raffinement italien, sont empreints de fraîcheur au milieu de cascades et de jets d'eau, d'arbres centenaires, de fausses grottes et d'étranges statues plates, une spécificité toute wallonne. Un lieu unique où coule l'eau depuis 250 ans dans interuption et sans aucune machine, par un miracle d'ingéniosité!

L'orangerie des jardins d'Annevoie vous propose brasserie et comptoir de produits wallons.

37a rue des Jardins
5537 Annevoie

32 (0)82 67 97 97



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