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Focus

Les gestes d’une photographe – Beata Szparagowska

Les gestes d'une photographe - Beata Szparagowska

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publié le par Alicia Hernandez-Dispaux

Jusqu’au 7 février, Beata Szparagowska expose ses portraits de travailleurs au PointCulture Bruxelles. Lors de notre rencontre, elle nous explique sa pratique photographique en nous livrant quelques clés de lecture de son travail.

Il y a quelques temps ConcertES (la plate-forme de concertation des organisations représentatives de l'économie sociale) proposait à Beata Szparagowska de percer le monde de l’économie sociale et de témoigner, à travers l’image, des travailleurs qui le composent et le font tourner. Dans cette perspective, la photographe s’est rendue au sein de onze entreprises engagées dans le développement durable en Wallonie. Coopératives citoyennes et ouvrières, ressourceries, taxis sociaux (etc.) lui ont ouverts leurs portes afin qu’elle puisse investiguer sur ce qui fait la spécificité de cette branche de l’économie qui cherche à concilier activité économique et équité sociale.

Ce n’est pas la première fois que Beata Szparagowska porte son appareil photographique devant des personnes au travail. Son projet « Hide & Seek », qui a duré deux années, documentait le processus de création chez des jeunes artistes en résidence. Pour « Le Travail à l’échelle humaine », le secteur que l’artiste capture en images est, cette fois, fort différent mais la méthode utilisée est la même.


À gauche, le geste du travail du soudeur. À droite, insaisissable, la détermination d’un homme à l’origine d’une coopérative ouvrière mise sur pied après la délocalisation d’une multinationale ayant occasionné une vague de licenciements.

Simultanément à la demande qui lui a été faite et assez intuitivement, Beata Szparagowska place au centre de ses réflexions la question du geste. D’abord, celui exécuté par le travailleur. Quel est-il ? Quand le saisir ? Comment le comprendre et le donner à voir en images ? Ensuite et parallèlement, il y a aussi l’autre geste, celui que l’artiste doit elle-même déployer à partir de son statut de photographe. Quelle attitude adopter ? Quelle place occuper face à l’autre et dans un environnement qui lui appartient ? Et quelle légitimité peut-elle s’octroyer dans ce processus participatif ?

L’attention portée aux gestes du travail intervient comme une fascination dans sa pratique photographique. Cette réflexion qu’elle mène régulièrement prend racine dans son héritage familial, au sein duquel le travail manuel occupe une place fondamentale. Lui accorder de l’intérêt, c’est en quelque sorte lui rendre hommage, s’en rapprocher et poursuivre une tradition. À travers ce prisme, il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’artiste, d’abord diplômée en lettres, ait finalement choisi de s’exprimer par la photographie qui, si elle est souvent assimilée à l’intellect, renferme manifestement une dimension pratique et pragmatique.

Les gestes d'une photographe - Beata Szparagowska

©Beata Szparagowska

Parmi les gestes de la photographe, il y a la discrétion. Élancée, on l’imagine pourtant bien trouver le moyen de se faire toute petite afin de prendre sa place, sans pour autant devenir intrusive. Et puis, le medium pour lequel a opté Beata Szparagowska et la manière dont elle l’exerce raconte en quelque sorte le rapport à l’autre qu’elle instaure dans sa pratique. En effet, il s’agit avant tout d’observer longuement. Suivant cette approche, le temps a une importance primordiale. C’est de ce dernier que naît la justesse de l’objet et/ou du sujet photographié. Cette attention particulière à la dimension temporelle agit sur les images, elle leur enlève artifice et prétention.

Plus tu laisses le temps passer, plus tu peux te poser des questions et voir ce qui va arriver. — Beata Szparagowska

Naturellement, Beata Szparagowska crée des images qui sont intimement liées à son entendement du travail du photographe. Il ne s’agit pas uniquement de partager une production aboutie. Le plus important à ses yeux, a lieu dans l’action, précisément dans la manière de travailler avec les personnes photographiées. En ce sens, la photographie n’est pas le sujet mais elle devient le prétexte à la rencontre. Avant même la production d’images, l’essence de son métier se situe donc dans sa capacité à générer des échanges.

Je pense que le tout premier rôle de la photographie est de me permettre de rencontrer des gens, d’offrir le contexte pour des rencontres que je n’aurais pas faites en dehors de la photographie. Elle donne aussi la possibilité d’entendre les gens et de les regarder. — Beata Szparagowska

Tout compte fait, les gestes que posent Beata Szparagowska sont multiples, nullement à opposer puisqu’ils sont parsemés d’intersections possibles. Dialoguer par l’observation, entendre et faire entendre par l’image, autant de formes de langage que l’artiste utilise pour faire exister sa pratique.

Pour conclure, lorsqu’on lui demande ce qui distingue l’entreprise classique de l’entreprise sociale, elle répond, au-delà de la primauté de l’homme sur le capital, que ce sont ces petits gestes. Celui du chauffeur de taxi recevant un pull tricoté par son client, la confiance de personnes faisant crédit pour porter un projet auquel ils croient. Des gestes investis d’altruisme, de fierté dans le regard, chez des citoyens qui se battent pour faire évoluer leur parcours professionnel en prenant part à des projets où la collectivité sert de moteur. Voilà ce que nous propose de découvrir, à travers l’image, l’exposition « Le Travail à l’échelle humaine ».


Alicia Hernandez-Dispaux

Photographie de bannière : ©Beata Szparagowska

Site web de l’artiste : http://www.beataszparagowska.com/

Exposition à découvrir jusqu’au 7 février 2019 du mardi au samedi de 11h00 à 18h30 au PointCulture Bruxelles

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