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Focus

Prendre soin des autres : rencontre avec Simon cofondateur des Carolovégiens

Simon
Simon a 24 ans, il vit à Charleroi où il travaille comme infirmier dans un centre hospitalier.

Une semaine avant la seconde édition de 100% veggie à Charleroi, Pointculture  consacrera une journée entière au véganisme, le samedi 13 mai. A cette occasion, nous republions les entretiens que nous avions réalisés l'année passée avec quelques  militants de la cause animale. Ils nous apportent leur éclairage sur un mouvement politique et un mode de vie encore mal connu.


Simon

Quel a été chez vous l’élément déclencheur du véganisme ?

En ce qui me concerne, deux éléments ont été déterminants, bien que sur plusieurs années. Dans un premier temps, la pratique des arts martiaux traditionnels et de la philosophie qui leur est inhérente à l’âge de dix-huit ans m’ont poussé à m’intéresser à mon alimentation. À l’époque, je souffrais d’obésité morbide. Pour ma santé, je me suis mis à consommer exclusivement du poisson et des végétaux, ce qui m’a bien réussi. J’étais inspiré par le régime d’Okinawa. Une vie proche de la nature, un régime frugal, un lien social fort et le respect des anciens, la sobriété heureuse : ce sont des valeurs qui me parlent. Cette façon de me nourrir m’a été très bénéfique jusqu’à ce que les vieilles habitudes reprennent le dessus, la faute au train de vie scolaire et professionnel harassant ainsi qu’à la fameuse pression sociale. Retour du stress et ma santé qui se dégrade de nouveau… Le point de rupture a été la crise cardiaque de mon père, il y a trois ans, il avait 51 ans à l’époque. Il s’en est heureusement bien sorti mais cet événement, associé au fait que je souffre moi-même d’une malformation cardiaque depuis la naissance, ont été décisifs. Une opération à l’âge de quatre ans m’a offert la chance de vivre, cette chance, je sens que je dois m’en montrer digne. J’ai repris mon régime précédent, à base de poissons et de végétaux mais cette fois, mes recherches m’ont fait prendre conscience des enjeux éthiques de l’alimentation. Des vidéos, des articles, enfin ce que l’on trouve sur internet, ainsi que pas mal de livres, tout cela m’a ouvert les yeux sur la réalité de l’élevage… Dans l’aide, dans l’attention que je désirais accorder aux autres sont rentrés tous les êtres vivants, sans exception. Je suis devenu végétarien puis, au fil des rencontres et des discussions, végane. Mais, pour en arriver là, il a fallu que je m’émancipe de la pression sociale et que je me reconnaisse le droit de m’écarter du modèle alimentaire dominant.

Pourquoi et comment en êtes-vous venu à l’activisme ?

Il est arrivé un moment où les discussions ne m’ont plus suffi. J’avais besoin d’agir. Les rencontres ont été décisives. On s’est retrouvé un jour, avec Julien et Michael, à une prise de parole du ministre du bien-être animal. Les réponses du ministre ne nous ont pas totalement convaincus (même si certaines idées comme l’interdiction déjà actée des fermes à fourrure en Wallonie ou la volonté de création d’une police du bien-être animal nous ont séduits), on voulait faire bouger les choses, agir à notre niveau, sur notre environnement immédiat. Agir local en pensant global. Plus tard, à l’occasion d’une sorte de salon d’agriculteurs, nous avons pris le parti d’exposer l’envers du décor. Avec nos pancartes, on s’est installé devant les enclos où étaient retenus les animaux pris comme modèles de la viande heureuse. On a eu l’idée de se présenter en tant que citoyens plutôt que sous la bannière d’une association. Ainsi, nous étions dans notre droit, notre pacifisme a convaincu les forces de l’ordre. Les réactions furent partagées, autant de la part des visiteurs que des éleveurs. Parmi ceux-ci, certains nous ont même donné raison, du moins sur l’élevage intensif. Nous, on a vu que le dialogue était possible. Cet événement nous a convaincus du bien-fondé du militantisme, qui est d’unir nos connaissances, nos questionnements et de les ouvrir à tous. Enfin, joindre les paroles aux actes. C’était il y a un peu plus d’un an et demi, ce jour-là, jour de naissance des Carolovégiens sur le terrain, je suis devenu végane.

Concrètement, en quoi consiste votre travail au sein des Carolovégiens ?

On a d’abord créé un groupe facebook et ensuite, vu le succès, une page dédiée au mouvement citoyen. On publie des informations qui touchent à la condition animale, à l’environnement, à la nourriture, mais aussi à leur impact et aux problématiques humaines que cela engendre (accès à l’eau, pauvreté, malnutrition, répartition inéquitable des ressources). À côté de cela, chaque semaine on installe une table d’informations, souvent devant la gare. Il nous arrive aussi de faire de la sensibilisation dans un des grands axes de la ville. Il y a des pancartes, des photos de ce qu’on ne veut pas voir, des tracts. Aujourd’hui notre page réunit 700 signatures. On l’alimente à tour de rôle. C’est important de varier le contenu : à côté des réflexions sur la question animale et des problématiques humaines et/ou environnementales, on trouve aussi des vidéos marrantes et des recettes de cuisine. La nourriture a toujours beaucoup de succès ! À croire que c’est par l’estomac que les changements s’opèrent. Mes propres contributions paraissent généralement le samedi. La dernière en date traitait de la Déclaration de Cambridge, ce manifeste datant de 2012, par lequel les plus grands scientifiques contemporains (dont Stephen Hawking)  reconnaissent aux animaux une conscience analogue à celle des humains.

Peut-il y avoir des points de tensions entre votre travail d’infirmier et les valeurs que vous défendez au sein des Carolovégiens ? Sur la question des médicaments et des tests sur les animaux, certains véganes vont jusqu’à éviter de recourir à la médecine allopathiques. Où vous situez-vous dans ce débat ?

J’assume le mieux possible ma fonction d’infirmier. Les valeurs qui m’animent en dehors de l’hôpital sont celles qui me font prendre à cœur la santé des patients. Dans l’état actuel des choses, ce serait une triste erreur de refuser un traitement parce qu’il a été testé sur les animaux, tout du moins en cas de pathologie aigüe et vitale. C’est un sujet épineux, même parmi les véganes. À ce jour, le modèle animal domine encore les protocoles de recherche. Je le déplore mais l’industrie pharmaceutique ne semble pas pouvoir/vouloir s’en passer actuellement. Je ne peux pas lutter contre cela et je dois me faire une raison. Aujourd’hui, des alternatives commencent à émerger, par exemple, des tests sur tissus, cultures in vitro, modèles virtuels, etc. Si bien qu’en Europe, les tests de cosmétiques sont désormais interdits.Pas besoin d’être végane pour s’en réjouir. Néanmoins, certaines entreprises testent à l’étranger, ce qui en principe n’est pas autorisé non plus, mais il existe des failles dans les lois dont elles profitent. Quoi qu’il en soit, à l’hôpital je ne laisse pas ces questions interférer avec la qualité de mon travail. Cela ne m’empêche pas de rêver d’une reconversion professionnelle, d’un métier plus en phase avec mes préoccupations… J’aimerais continuer à me former pour gagner en pertinence sur ces questions-là, et pouvoir ainsi les défendre sur une plus grande échelle.

Vos actions touchent-elles davantage les jeunes et les femmes que les autres catégories de population, comme semblent l’indiquer les chiffres relatifs aux nouveaux végétariens ?

Sans doute oui, ça me fait un peu rire. Sur le terrain je rencontre tout de même une grande diversité de personnes. Il arrive que des personnes plus âgées viennent me voir et me disent : on fait ça depuis quarante ans. Quelle claque !

Récemment, la presse française a diffusé des enregistrements réalisés par l’association L214 de violences commises dans les abattoirs. De ces faits constatés tant sur de grosses structures industrielles que sur de petits abattoirs labélisés, peut-on extrapoler un état des lieux en Belgique ?

La mise à mort d’un animal, c’est en soi une violence extrême. Un végane ne peut pas vous dire autre chose. Mais, ce que ces vidéos montrent aussi, c’est la violence d’un système. La souffrance dans les abattoirs ne concerne pas que les animaux, elle touche aussi les travailleurs qui développent parfois les troubles du comportement violents mis en lumière dans lesdites vidéos, à une échelle moindre certes, mais bien présente. Et en Belgique, sur un marché massivement dominé par l’élevage industriel, il n’a pas de raison d’espérer que les choses se passent mieux qu’en France.

A partir du moment où l’hypothèse de la viande heureuse perd de sa crédibilité, le végétarisme est mis en avant comme pouvant être une réponse modérée, saine et accessible à tous. Vous allez plus loin et vous prônez le véganisme, solution jugée par la plupart comme trop extrême, au mieux utopiste, au pire excluante, pour ne pas dire nocive… Cette radicalité ne risque-t-elle pas de desservir la cause que vous voulez défendre ?

Sain, le régime végétarien l’est peut-être pour ses adeptes, mais pas pour les animaux. D’un strict point de vue éthique, le végétarisme n’a pas beaucoup de sens. Le lait et les œufs ne s’obtiennent pas sans la destruction massive des mâles… On ne va pas revenir sur l’affaire du broyage des poussins, mais cela donne une idée de ce dont cette industrie est capable. Alors en tant que militants, on essaie d’être cohérents avec nos idées et de promouvoir le véganisme. Mais loin de nous l’idée de juger qui que ce soit : c’est une exigence qu’on maintient vis-à-vis de nous-mêmes. Vis-à-vis de l’extérieur, on cherche avant tout à exposer des faits. On nous reproche rarement d’être extrémistes. Utopistes, oui, cela on nous le dit. Par exemple, quand on prend part à une marche pour la fermeture des abattoirs. Pour nous, il s’agit « seulement » de planter la graine du changement de façon pacifique et patiente. Il nous arrive même de discuter avec des bouchers… On ne milite pas contre les gens, on milite pour améliorer les choses. C’est un combat qui va dans le sens de l’intérêt général.

Un changement de société qui amènerait toute une catégorie de population à perdre son travail ?

Les reconversions dans ce domaine sont possibles, certaines sont même spectaculaires. Le documentaire Peaceable kingdom en a fait son sujet : des éleveurs devenus véganes qui se consacrent désormais à l’agriculture biologique. Ces gens-là prennent acte des problématiques liées au climat, à l’explosion démographique, à la santé publique, ils choisissent de se tourner vers l’avenir. On parle d’une évolution progressive, inscrite dans un mouvement plus général.

Au quotidien, le mode de vie végane souffre d’être une exception. Société largement omnivore, peu ou pas de restaurants, de pâtisseries, nécessité de lire les étiquettes, d’apprendre quelques règles de nutrition, spectre de la fameuse vitamine B12… Franchement, est-ce que c’est aussi difficile que ça en a l’air ou bien s’agit-il encore de l’image qu’on en donne ?

Avant de devenir végane, je pensais aussi que ce serait dur, et que ce serait dangereux, et impossible à tenir en société. Mais quand on saute le pas, on se rend compte que c’est tout le contraire. Les propositions véganes intéressent de plus en plus de monde, même ceux qui ne le sont pas. Certains ont simplement envie de goûter autre chose, d’essayer de nouveaux produits pour le bien de leur santé et celui de la planète, d’autres, comme les restaurateurs, prennent à cœur d’introduire des propositions végétales dans leur menu. Pour ma part, je n’ai eu que de bonnes surprises. Si on veut manger végane dans un restaurant, il suffit d’en faire la demande à l’avance, en général le défi est relevé avec le sourire. Bon je ne vais pas non plus au Buffalo grill ni au festival de l’escalope qui se tient près de chez moi…

À la maison, on réapprend à cuisiner ?

Pratiquement, il ne faut pas un quart d’heure pour assembler un repas végane équilibré : une légumineuse, une céréale, des légumes et des noix. Sans oublier les épices ! Pourtant, j’avoue que pour parvenir à cette simplicité, il m’a fallu du temps. Etre végétalien, c’est s’intéresser à son alimentation. Sous l’angle éthique, environnemental, nutritionnel. Mais ce questionnement, est-ce qu’il ne devrait pas être le fait de tous ? Dans une société où règne la malbouffe, c’est presque un devoir. Pour les étiquettes c’est pareil : tout le monde devrait les lire !

Il s’agit donc selon vous de passer d’une relation passive vis-à-vis de son alimentation à une relation active, plus consciente, plus éclairée. Le végétalisme s’inscrirait dans une telle démarche.  Voire, pour reprendre votre histoire, en serait la conséquence.

Tout à fait. Je me place dans ce que j’appelle une phase de stabilisation, sous contrôle médical, parce qu’il me revient de montrer par l’exemple que cette alimentation est saine et sans danger. Paradoxalement, ma santé est meilleure que quand j’étais végétarien où je souffrais d’une carence en fer. Un régime plus sécurisant peut avoir cet effet. Alors il y a la vitamine B12 sur laquelle les véganes ne peuvent pas faire l’impasse. Ce qu’on ne dit pas, c’est que les animaux d’élevage reçoivent aussi des vitamines (avec, pour eux, un supplément de médicaments), parce que leur alimentation n’a plus rien de naturel : du soja et du maïs à la place de l’herbe. Les consommateurs de viande se supplémentent indirectement : ils mangent les animaux qui ont eux-mêmes reçus des vitamines. Entendons-nous bien, le véganisme ne prétend pas être naturel. C’est un progrès éthique orienté vers l’avenir avec sa part d’écoute de la nature.

Il existe un grand nombre d’associations animalistes et environnementalistes : locales et internationales. Avec leurs divergences nécessaires et compréhensibles, quels rapports entretiennent-elles les unes avec les autres?

Les médias adorent les opposer, les mettre en guerre les unes contre les autres. Moi je préfère porter mon attention sur les points de convergence, ils sont plus nombreux que le contraire. C’est vraiment dans cet esprit-là que j’ai fondé les Carolovégiens, après avoir vu trop de gens se rentrer dans les plumes en prétendant être plus « parfaits » plus « aboutis » que d’autres dans leur manière de faire, ou se disputer pour l’empreinte écologique d’un poivron. Mieux vaut mettre l’accent sur ce qu’on a en commun.

Les Carolovégiens vont s’installer au salon 100% veggie à Charleroi. Ne craignez-vous pas que dans ce genre d’événements, le côté marchand ne prenne le pas sur les idées ?

À la différence du salon Veggie world de Paris, une grande structure plus commerciale, le salon de Charleroi est libre d’accès et veut mettre l’accent sur la rencontre et le partage d’idées pour les citoyens, quel que soit leur mode de vie. L’offre commerciale sera présente en ce qu’elle accompagne les valeurs qui font le cœur du salon. L’ambiance sera très conviviale.

 

Entretien réalisé par Catherine De Poortere


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