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Critique

« Belle, oui, mais perdue »

Bella e perduta

Cinéma italien, Nature Culture, Italie, Bella e perduta, Campanie

publié le par Michaël Avenia

Voyage au cœur d’une Italie multiséculaire et sauvage, « Bella e perduta » convie le spectateur aux confins de la désolation et de la beauté.

À l’origine, Pietro Marcello (le réalisateur du magnifique La bocca del lupo) avait imaginé un documentaire sur ses terres italiennes. Mais en commençant son périple en Campanie, il fit la connaissance de Tommaso Cestrone, simple berger qui restaurait seul le palais de Carditello abandonné depuis des siècles. À la mort de ce dernier, au milieu du tournage, le cinéaste réorienta son projet initial en composant un conte contemporain nourrit de mythes ancestraux. À travers l’histoire peu banale de cette antique demeure (une ancienne « ferme modèle » tombée au cours des ans aux mains de camorristes) c’est le paradoxe de l’Italien toute entière que le réalisateur dénonce. Un pays où une terre fertile, un patrimoine inestimable s’enlise dans la corruption et l’oubli.

D’emblée Bella e perduta interpelle. Sur un carton annonçant les intervenants, apparaissent les noms d’un bufflon et celui, plus connu, de Polichinelle. Ce couple a priori improbable va traverser la campagne napolitaine, le demi-dieu et l'animal, égaux aux yeux des spectateurs, bravant l'inévitable. Le film poursuit cet objectif noble et nécessaire, il se présente comme une fable douce amère qui révèle la beauté des terres italiennes  autant qu’un plaidoyer onirique contre les dictatures et l'aliénation de la Nature. 

Bella e perduta - Polichinelle

Ici la réflexion se pare du masque de la fiction comme pour mieux cacher ses intentions documentaires. Polichinelle procède également de la sorte, cachant sa vocation d’immortel derrière son célèbre masque au nez crochu. La présence – ou non – de ce simple attribut fera de lui un messager des dieux ou un simple gardien de buffles.

Jamais le film ne cherche la perfection, mais il se dévoile comme une invitation à l’émerveillement. À l’image de la pellicule utilisée (une pellicule altérée par les années qui offre un grain unique), Bella e perduta revendique une authenticité jamais feinte ou artificielle. Long et lent cheminement onirique à l’issue fatale,      

Bella e perduta - Château

Tommaso Cestrone et le palais de Carditello

Cette Italie, belle mais perdue, ne ressemble à aucune autre et pourtant sa funeste destinée est plus universelle qu'il n'y parait. En rendant hommage à Tommaso Cestrone (qui « joue » ici son propre rôle), c'est une culture et une logique perdues que Pietro Marcello pleure. Un lourd et long patrimoine qui se délite lentement au profit de chimères modernes dénuées de toute passion.


Michaël Avenia